Le Figaro, 5 décembre 2008

Jacqueline Thuilleux

Jonas Kaufmann, le joyeux romantique

Bildunterschrift: Le cheveu noir et frisé, l'œil matador, ce collectionneur des disques de Montserrat Caballé est joyeux comme un Italien et boit de la bière comme un Allemand. (DR) Star montante du chant, le ténor allemand est à l'affiche de « Fidelio » au palais Garnier. Les grandes maisons se l'arrachent, et pas seulement en raison de son physique. Jonas Kaufmann, le ténor munichois que l'Opéra Garnier programme dans Fidelio, de Beethoven (jusqu'au 21 dé cembre), n'est pas un caprice médiatique : à 40 ans, il a pris le temps de mûrir après avoir appris son métier sur de petites scènes de l'Allemagne profonde. Le cheveu noir et frisé, l'œil matador, ce collectionneur des disques de Montserrat Caballé est joyeux comme un Italien et boit de la bière comme un Allemand. Mais son trajet musical est le plus rigoureux qui soit : il vient de la fine école du lied, la part la plus sensible de la musique germanique romantique. Il a d'abord chanté Telemann dans des chœurs d'enfants avant qu'un roman raté avec les mathématiques ne le ramène à ses premières amours. Il a pris la route : soli dans des églises, vie de troupe à Ratisbonne et à Sarrebruck, puis à Zurich, où il s'est épanoui. Aujourd'hui, de Chicago à Milan, il séduit en Faust et don José, émeut dans Puccini, enflamme dans Verdi. Sans parler des Allemands : Beethoven, Weber et Wagner. Angela Gheorghiu et Renée Fleming, ses belles partenaires, l'adorent pour son élégance et sa fougue. Le public, lui, se pâme à l'écoute de cette voix sombre et riche, dont le caractère dramatique s'allège d'un subtil dosage des couleurs et de la respiration obtenu grâce à son intimité préservée avec le lied. Et s'émerveille de sa polyvalence. Comme Plácido Domingo, rare fusion des deux genres. « Un jour, dit Kaufmann, je ferai Otello, mais je ne veux pas griller les vaisseaux. » Ses fans, eux, l'espèrent en Tristan. On sait qu'il se donnera les moyens de sa liberté.