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Opera Online |
Thibault Vicq
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Jonas Kaufmann, Anja Harteros, histoire d'une collaboration
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Jonas Kaufmann et Anja Harteros sont réunis à Munich dès dimanche, et ce,
jusqu’au 2 avril, dans Andrea Chénier, à la Bayerische Staatsoper de Munich.
Les Parisiens auront l’immense privilège de les entendre le 26 mars au
Théâtre des Champs-Elysées dans cette même œuvre. Pour les retardataires,
d’autres représentations sont prévues en juillet à Munich. Le moment est
donc idéal pour revenir sur leurs collaborations passées, défiant un agenda
de choc.
Tout commence en l’an 2000, alors que le bug n’avait pas eu
lieu. Così fan tutte fait se rencontrer la soprane et le ténor à Francfort.
Tous deux baignent alors déjà dans un univers mozartien exigeant depuis
quelques années. Dès ses études secondaires, Anja Harteros enfile la robe de
la Comtesse Almaviva dans Les Noces de Figaro, tandis que Jonas Kaufmann
interprète très tôt le rôle de Tamino (La Flûte enchantée) et de Titus,
parallèlement à une constellation d’univers bigarrés et temporellement
contrastés, aussi bien dans le bel canto (l’Almaviva du Barbier de Séville)
que dans la création contemporaine (Die Glasmenagerie de Bibalo, en 1996).
Sept ans passent, les rôles s’étoffent, le répertoire s’amplifie de
rôles verdiens (notamment dans Otello, Falstaff et La Traviata, pour l’un et
l’autre, sans qu’ils ne se croisent) et les deux (déjà) presque stars se
retrouvent en 2007 dans une Missa Solemnis à Munich, la ville qui deviendra
le lieu de prédilection de leurs apparitions concomitantes. En novembre
2008, Dresde les accueille avec Elīna Garanča pour un récital
Haendel-Bach-Mozart-Schubert, alors que les grandes capitales européennes de
l’opéra et New York commencent à s’arracher les trentenaires.
Ils
jouent au grand écart de l’histoire de la musique, et c’est ce qui fait leur
force : ils peuvent chanter Richard Strauss et Wagner, poursuivent leur
exploration des partitions de Mozart, avec la même aisance et une audace
revisitée. D’éditions DVD en albums auréolés de succès critique, ils passent
par la case Lieder, et l’histoire d’amour entre Elsa et Lohengrin marque un
tournant à la Bayerische Staatsoper, en juillet 2009. Un lien paraît les
unir dans le choix de leurs rôles, ils semblent s’accorder sur leurs choix
artistiques, essaiment de nouvelles destinations de leur talent.
Le
Don Carlo et l’Elisabetta qu’ils campent chacun de leur côté finiront par se
retrouver sur la scène de la Bayerische Staatsoper en janvier 2012, dans le
même destin qui les sépare chez Verdi. La même année, ils sont suivis par
René Pape (à leurs côtés dans Don Carlo) et rejoints par Elīna Garanča pour
le Requiem du même compositeur, à Milan, Lucerne et Salzbourg. Une fois les
festivals de l’été passés, Anja Harteros et Jonas Kaufmann rejoueront
l’histoire du Chevalier au Cygne à Milan, avant de se replonger dans Don
Carlo à Londres, Munich et Salzbourg l’année suivante, sans oublier de jouer
le jeu des masques et des blessures enfouies dans Le Trouvère. Et pourtant,
ils tournent : les personnages qu’ils incarnent pourraient même former une
histoire originale à écrire sur une page blanche dès leur rassemblement
suivant. Parsifal continue sa quête du Graal, Elisabeth finit par se
sacrifier devant Tannhäuser, Tosca redouble de courage malgré la lâcheté de
Mario Cavaradossi. La consécration des deux interprètes se fait croissante
partout où ils passent. La « force du destin », et plus précisément celle de
Verdi, va consolider l’alliance du couple-phare, dès décembre 2013, puis en
mai 2015 (et avec un retour très attendu cet été) dans la capitale
bavaroise.
Jonas Kaufmann élargit son spectre d’horizons musicaux (Le
Voyage d’hiver de Schubert et les Lieder de Mahler, Wagner et Richard
Strauss) et géographiques (concerts au Japon). Anja Harteros se produit là
où elle n’a pas encore eu l’occasion d’irradier (Barcelone, Florence) et
enrichit toujours avec ferveur ses analyses d’Ariane à Naxos et du Chevalier
à la rose, principalement en territoire germanophone. Aïda constitue une
double prise de rôle – l’esclave éthiopienne et Radamès – et leur vaudra un
enregistrement en 2015. Après une percée des deux chanteurs dans le lyrisme
de Puccini et de ses inspirations, l’été 2016 sera enfin propice à leur
performance mutuelle de Tosca, ensemble. Un gala à Baden-Baden en compagnie
d’Ekaterina Gubanova et de Bryn Terfel achèvera cette brillante saison
2016-2017, qui aura raison du ténor à l’automne et le contraindra à annuler
ses tournées.
L'Andrea Chénier de Jonas Kaufmann ayant fait un carton
en 2015 sur le plateau du Royal Opera House, les spectateurs munichois et
parisiens auront un plaisir tout particulier à le retrouver prochainement
dans le rôle, à Munich donc, face cette fois à Anja Harteros, qui endossera
alors le rôle de Maddalena de Coigny pour la première fois sur scène.
Giordano, Mozart, Puccini, Wagner et Verdi : cinq artisans musicaux au
cœur de la psyché la plus complexe, faisant le lien entre les premières
amours mozartiennes des deux célébrités et le formidable attirail straussien
dans lequel ils ont fait leurs preuves. Ils sont largement parvenus à créer
leur mythe individuel et jumeau, en empruntant des chemins de traverse
ouvert aux croisements et à l’ouverture de leur répertoire. Espérons que se
prolonge cette union scénique à nulle autre pareille, vers les nombreux
cieux lyriques et linguistiques qui restent à parcourir…
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