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Le Figaro Magazine, 04 AVRIL 2014 |
Texte: François Delétraz
Photos: Patrick Swirc |
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Les trois mousquetaires du chant
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Jonas Kaufmann, Rolando Villazón et Juan
Diego Flórez font partie des plus grands ténors actuels. Ils seront à
l’affiche en France dans les prochaines semaines. Nous les avons rencontrés |
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Hier nur der Teil über Jonas Kaufmann |
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JONAS
KAUFMANN L’homme pressé
Jonas Kaufmann a la tête de
l’emploi : ténor, n’est-ce pas le jeune premier de l’opéra ? Il en a aussi
la voix - une tessiture profonde, capable de contre-ut acrobatiques et de
basses puissantes. Est-ce l’alliance des deux qui fait de lui le chanteur
que tous les opéras du monde veulent avoir à l’affiche ? « On se demande
toujours si le succès est dû à soi-même ou aux rôles qu’on tient »,
avance-t-il avec prudence lorsqu’on l’interroge sur sa séduction, et son
effet sur les foules. Ce jeune quadragénaire poursuit, en homme marié et
père de trois enfants, la voie qu’il s’est tracée dès son enfance.
Contrairement à beaucoup d’artistes, il n’a jamais envisagé la scène comme
une thérapie, mais plutôt comme une évidence. C’est que, comme toute bonne
famille allemande, la sienne pratiquait la musique. Ses parents l’inscrivent
dans une chorale, puis ses prédispositions le conduisent à entrer dans une
école de musique. A 8 ans, il applaudit son premier opéra, quinze ans plus
tard, il est applaudi dans son premier engagement comme chanteur, à
Sarrebruck. Entre-temps, il a commencé des études supérieures de
mathématiques. Mais c’est l’art lyrique qui l’attire, et Sarrebruck ne
suffit plus à ses attentes. Il sent qu’il plafonne. Il a alors une
intuition de génie : changer de professeur et de technique vocale. Il
découvre enfin l’éventail de ses possibilités. Ses basses, graves et
profondes, lui ouvrent le répertoire des ténors dramatiques. Ses aigus, et
son physique, celui des lyriques spinto, et des rôles romantiques. Autant
dire une voix qui lui permet de tout chanter - ou presque.
Kaufmann
ne se plaint certes pas de pouvoir embrasser tout le répertoire. Les
propositions affluent et son agenda est complet pour plusieurs années. «
Cela a quelque chose d’effrayant, et surtout, artistiquement, c’est une
hérésie. On me demande de décider aujourd’hui de ce que je ferai dans cinq
ans. Or, aurai-je les mêmes envies, les mêmes passions ? C’est un peu comme
si on disait à un peintre d’acheter les couleurs pour une toile qu’il ne
peindra que dans une décennie ! » Cette remarque pleine d’humilité trahit
le professionnalisme d’un chanteur qui, quoique adulé, répète studieusement
jusqu’à la veille de ses récitals. Et la sagesse d’un homme qui a déjà vingt
ans de métier : « Aux premiers temps du succès, on a envie de tout prendre,
comme un enfant dans une confiserie, puis, comme il a eu mal au ventre à
cause de sa gourmandise, il apprend à faire des choix. »
Le
jour de notre rencontre, Jonas Kaufmann retrouvait Helmut Deutsch,
l’extraordinaire pianiste qu’il connaît depuis vingt-cinq ans, avec qui il
a enregistré Le Voyage d’hiver, de Schubert (Sony), qu’ils donneront au TCE
le 8 avril *. Tous deux continuaient de travailler ce Winterreise qui exige
une complicité totale dans le dialogue entre le piano et la voix. Kaufmann
sait toute l’empathie qu’il faut ressentir avec le Wanderer. Il a suivi les
master class de Hans Hotter, et écouté religieusement les enregistrements de
Fritz Wunderlich, « son idole », « qui laissait parler son cœur à travers
son chant ». C’est l’exemple de ce ténor qui l’a conforté dans son étude
rigoureuse de la technique vocale. « Quand, grâce à elle, on maîtrise sa
voix à 100 %, on n’a plus peur, comme j’avais peur de la scène lorsque
j’étais encore étudiant, à Sarrebruck. On peut incarner pleinement ses
rôles. » Cette rigueur lui a valu de collectionner les prix, les
distinctions, les contrats sur les grandes scènes internationales. « C’est
le charme de ce métier de donner tout ce qu’on a, et c’est aussi la clé du
succès. » Munich est son point d’attache. Il s’y ressource entre deux
engagements, au milieu de sa famille. Il y écoute de la musique allemande «
pour régénérer une partie de sa culture ». Il investit la cuisine et
mitonne des petits plats : « J’adore cuisiner, ce qui n’est pas facile avec
mon job. » Il me dit qu’à 50 ans, il allégera son emploi du temps. Et il
soupire sur la seule chose qui manque à son bonheur - un peu plus de temps.
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