ODB
Propos recueillis par Jérôme Pesqué et Jérémie Leroy-Ringuet (Transcription de Jérémie Leroy-Ringuet) Paris, le 10 mars 2006
C'est juste avant l'une des représentations parisiennes de Fierrabras de Schubert, dont il interprétait le rôle-titre, que le ténor allemand Jonas Kaufmann a répondu aux questions d'Opéras Data Base, dans un français très aisé.
Entretien avec Jonas Kaufmann
ODB : Quelles langues parlez-vous ?

Jonas Kaufmann : L'anglais, l'italien couramment, j'ai étudié le grec ancien, mais je ne parle pas encore très bien français.

Vous le chantez, pourtant : Faust, notamment, celui de Berlioz et celui de Gounod'

J'ai fait aussi Mignon à Toulouse et cette année je chante Carmen, à Londres avec Antonacci, dans une production prévue pour Alagna, en décembre.

c'est la première fois que vous chantez Don José ?

Oui !

Les rôles s'alourdissent, avec Parsifal...

Oui ! Mais Parsifal, c'est seulement à Zürich pour trois ou quatre spectacles, ce n'est qu'une incursion. Je vais continuer à chanter le répertoire lyrique. Peut-être vais-je faire un peu plus de répertoire spinto italien, comme Tosca, Cavalleria Rusticana ou Andrea Chénier.

Vous avez fait vos études à la Hochschule de Munich.

J'ai fait toutes mes études à Munich, je chantais dans des chorales, pour des concerts de Noël, des choses comme ça, puis j'ai chanté dans les choeurs de l'opéra, mais la décision de chanter était très incertaine... J'ai commencé par étudier les mathématiques, mais c'était trop théorique.

Etes-vous d'une famille de musiciens ?

Non, pas du tout. Mélomanes, oui, nous avions des disques et toute ma famille faisait de la musique, mon grand-père jouait toujours les partitions de Wagner au piano et chantait lui-même, mais ça n'avait rien de professionnel. Il était très wagnérien, alors toute la journée on entendait Wagner, chez lui. De la musique puissante, Mahler, Bruckner, Chostakovitch...

Des partitions exigeant de gros effectifs. Vous avez eu des professeurs qui étaient aussi de grands wagnériens, Hans Hotter et James King.

C'était vraiment extraordinaire de parler avec King. Il n'avait aucune idée de la façon dont il produisait ces sons. Quand j'ai préparé Parsifal, j'ai cherché des enregistrements comme ceux de Kleiber, de Ramon Vinay, et celui de James King est superbe.

Vous l'avez déjà entendu chanter sur scène ?

Oui ! Mais aussi en master-class, où il chantait vraiment. Il n'avait pas d'autre possibilité pour expliquer ce qu'il voulait dire ! Il disait : « Ouvrez la bouche, chantez, c'est comme ça que ça marche ! »

On dit de Hotter qu'il n'était pas non plus un très bon pédagogue mais qu'il faisait passer certaines choses sans avoir besoin de les expliquer.

Oui, mais il avait beaucoup de choses à dire pour la diction, pour l'interprétation, vraiment beaucoup. Il racontait toujours des anecdotes. Comme il a connu Strauss, il disait souvent ce que voulait le compositeur à tel ou tel passage. Il avait toujours une histoire à raconter.

Est-ce qu'il y a encore une grande école du chant allemand, aujourd'hui ? Est-ce qu'on enseigne à chanter aussi bien, avec une diction aussi claire qu'autrefois ?

Non, comme partout, ça se perd. c'est peut-être parce que c'est la mode de faire carrière très rapidement, pour faire beaucoup d'argent très vite mais après...
Quand j'ai commencé, mon premier contrat était à Sarrebruck, dans la troupe, et j'ai chanté quatorze ou quinze rôles en deux ans, c'était vraiment dur. J'ai appris ce que je peux me permettre, ce qui n'est pas bon pour la voix et surtout à dire non. c'est vraiment très important.

Vous avez dit non à quoi ?

A beaucoup de choses !
Là-bas, je chantais déjà des choses très différentes, comme Andres dans Wozzeck, Don Ottavio, Nemorino, Caius dans Falstaff, un soir un rôle, le soir suivant un autre, etc. Et ça, ça ne marche pas avec la voix, ce n'est pas possible ! Je n'avais aucune expérience.

Mais il y avait déjà eu des spectacles au Conservatoire de Munich, la Flûte Enchantée, Der Rosenkavalier, en 1993.

Mais on préparait ça sur un semestre. c'était théorique, ce n'était pas comme dans la vie.

A Sarrebruck, c'était avec quelle fréquence ?

Il y avait une centaine de spectacles par an. Pas de temps libre, pas du tout.

Ni de temps pour approfondir un rôle ?

Non, et je pense que je n'étais pas respecté comme chanteur. c'était une sorte d'esclavage.
Quand on demandait à être libre pour un concert, pour un beau projet : « Non, ce n'est pas possible ! »
Il fallait toujours être là, parfois sans avoir rien à faire, mais il fallait rester au théâtre ! Après les premières saisons, j'ai vraiment pensé que je devais faire autre chose.
Un ami baryton américain, qui a maintenant quatre-vingt-dix ans, m'a dit que j'avais besoin d'un autre maître, d'une autre vie. Il avait commencé sa carrière à New York, avec tous les jeunes chanteurs d'Europe venus en exil, c'était un paradis pour lui. Il chantait comme dans les vieux enregistrements, avec beaucoup d'élégance, de puissance, mais dans un style un peu vieillot. Il arrivait à chanter des notes trop aiguës pour moi et disait : « Mais ce n'est pas difficile ! » Et il les sortait, sans les hurler, élégamment.
La relaxation, c'est le secret ! Il faut vraiment avoir confiance en sa voix. Même à trois heures du matin, si on te dit de chanter cette note, il faut pouvoir la chanter.
Une chose qui n'est pas un secret, mais qu'on a de la difficulté à accepter, c'est que chacun doit chercher et trouver sa voie et ne pas imiter quelqu'un d'autre. c'est très difficile. Par exemple, à l'école, quand quelqu'un chante un air pour la première fois, sans l'avoir jamais entendu, c'est très facile à chanter mais une fois qu'on a entendu une interprétation, qu'on comprend le style, la qualité ou la façon de le chanter, ça commence à être difficile parce qu'alors on commence vraiment à manipuler la voix.

C'est donc mieux de ne pas écouter d'enregistrements pour préparer un rôle ?

Oui et non ; il y a aussi des enregistrements qui sont plus une inspiration pour chanter mieux que ce qu'on entend (rires) et d'autres qui sont vraiment parfaits et qui aident à comprendre certaines choses.

Quel est le spectacle qui vous a paru le plus important à vos débuts ? Le Così fan tutte de Milan ?

Oui, c'était très dur parce que Strehler est mort pendant les répétitions. Nous n'avons pas commencé les représentations dans son esprit.

Etait-il déjà malade ?

Il était malade mais il avait soixante-dix-sept ans, il avait beaucoup de problèmes avec la drogue. Il était prévu qu'il ferait une pause pour Noël, du 23 au 27, mais le 22 au soir la dernière scène n'était pas préparée. Nous avons travaillé aussi le 23 jusqu'à 21 heures, il était très content, et nous a libérés.

Avez-vous passé une audition pour cette production ? Il n'y avait que des jeunes chanteurs.

Oui, la première idée était d'engager des chanteurs de moins de vingt ans, mais pour Fiordiligi c'est difficile. Après, il a dit vingt-cinq mais c'était aussi très difficile.
J'ai fait une audition au Piccolo Teatro. Il a dit qu'il voulait vraiment travailler avec moi : « On fait une Lucia di lamermoor ensemble, tu as déjà chanté le rôle ? » « Non, j'ai seulement vingt-six ans ! » « Tu dois chanter Edgardo ! Désolé, mais tu es vraiment trop vieux pour Ferrando. » « Maître, j'étais sûr qu'un jour quelqu'un me dirait cela, mais pas aujourd'hui ! » (rires)
Mais après, on m'a téléphoné pour me dire qu'il me voulait vraiment. Ça a été très difficile, parce que j'avais déjà signé un contrat à Stuttgart pour chanter Jaquino. J'étais vraiment désolé, j'ai dit que j'avais signé un contrat et que ça n'allait pas avec leur planning. « Non ! Il faut que tu chantes ici, j'appelle Strehler? »
Alors ils ont accepté que je vienne cinq jours en retard et que j'aille répéter à Stuttgart entre les spectacles. En répétition, il parlait beaucoup de toutes les émotions et des situations, pendant une heure, voire plus. Alors, nous le priions de faire une seule petite fois ce qu'il demandait. « Oui, tu entres là, la sortie est là-bas, le reste à toi. » Après, très content : « Oui, très bien, mais si tu demain tu le penses différemment, n'essaie pas de reproduire la même chose, tu dois toujours inventer et suivre tes émotions. »
Mais après sa mort, tous ses assistants se sont mis à tout reproduire, au millimètre près : « Ah, encore quinze centimètres à gauche ! » avec des photos et des vidéos des répétitions'

Quels sont les autres metteurs en scène avec lesquels vous avez travaillé et qui vous ont marqué ? Olivier Py ?

Ah oui ! Cette Damnation de Faust, à Genève, c'est le plus beau spectacle que j'ai fait. c'est très difficile à mettre en scène, il y a des changements toutes les deux minutes'

Oui, il y a beaucoup de changements de rythme. Mais le public a mal réagi, il y a eu une espèce de scandale.

Oui, un petit peu...

Mais c'était fait pour ça !

C'est comme Marthaler, qui a fait beaucoup de choses à Zürich. On l'a poussé à quitter Zürich, d'ailleurs.

Vous allez faire la Traviata avec lui l'an prochain à Paris, avez-vous déjà des idées sur sa conception de l'oeuvre ?


Non, rien du tout. Je vais voir demain ses Nozze di Figaro pour avoir une idée... C'est vraiment un style pas du tout... classique (rires) ! Avec des chanteurs allemands qui chantent le répertoire italien...

Avez-vous déjà beaucoup chanté La Traviata ?

Oui, je ne suis pas du tout un spécialiste du répertoire allemand. Même physiquement et vocalement, je ne suis pas très « allemand ».

Alfredo, c'était surtout aux Etats-Unis, à Chicago, au Met, mais là c'était très traditionnel...

Oui, Zeffirelli...

Ça n'est pas une esthétique qui vous intéresse ?

C'était une production de 1998 mais c'était comme à la Scala en 1953. Je n'aimerais pas toujours chanter dans ce type de mises en scène, mais une production comme ça par an, oui. C'est très relaxant. Mais toujours ça, non. A Chicago aussi c'était très traditionnel.

Ils aiment ça, aux Etats-Unis...

Et il y a en Europe des metteurs en scènes très connus pour faire des spectacles très modernes. Aux Etats-Unis c'est toujours un peu...
J'ai vu le Roméo et Juliette du Met par Guy Joostens qui a fait des spectacles superbes, comme ses Noces de Figaro à Amsterdam, avec Bryn Terfel, mais là-bas, ça n'avait rien d'extraordinaire, c'était tout ce qu'il y a de plus normal, la scène était un peu spéciale, avec son système solaire, mais c'est tout. Les costumes à l'ancienne...

Aimeriez-vous chanter Roméo ?

Oui, j'aimerais beaucoup, j'ai parlé hier avec Pereira, j'aimerais aussi chanter Werther, par exemple, mais il refuse parce qu'il dit que ça ne se vendrait pas. Et il fait Fierrabras...

La Nina de Paisiello, les Monteverdi...

Il m'a demandé pour des choses très inconnues... Mais si ça marche mieux que Werther...

Il faut le faire en France ! A Toulouse !

Nous allons en parler avec Nicolas Joel !

N'y a-t-il pas un projet à Aix, en 2009 ?

Oui, peut-être. Mais ce n'est pas Werther, on me demande toujours pour le répertoire allemand ou pour Idomeneo.

Peut-on continuer à chanter Mozart quand on fait Wagner ?

J'espère que je peux toujours chanter Mozart ! Surtout Idomeneo, Clemenza di Tito et La Flûte Enchantée, les autres non, pas parce que ce serait difficile mais, par exemple, Così fan tutte, qui est une pièce da dio [divine], j'ai toujours pensé que je ne le chanterais plus mais, récemment, mon collègue Christophe Strehl était malade, je l'ai remplacé, ça s'est bien passé, alors je me dis : pourquoi ne pas recommencer à le chanter ? c'était parfait pour moi, avec Yvonne Naef et Camilla Nylund, avec qui j'ai aussi fait Fidelio, et qui était une Fiordiligi puissante. Mais avec des chanteurs très spécialisés sur Mozart, c'est difficile pour moi, car je dois contenir la voix.

Les Königskinder de Humperdinck, à Montpellier, vont-ils sortir en disque ?

Oui !

c'est une oeuvre très rare. Vous n'enregistrez que des oeuvres rares, d'ailleurs !

Oui, bien sûr, parce que le répertoire courant a été enregistré mille fois.

Préférez-vous le live ou le studio ?

Le live, c'est mieux. Bien sûr, on peut faire des corrections en studio, mais en concert c'est mieux et je crois aussi que je chante mieux, parce qu'en studio, on n'est pas dans des conditions habituelles pour faire de la musique, il y a le mur en face, je n'aime pas beaucoup ça.
Quand j'enregistre des choses que je ne peux pas chanter en concert, comme Tristan, je le fais en studio, comme Wunderlich qui a enregistré en studio Das Lied von der Erde.

Ou Domingo.

Oui, mais c'est un autre monde. Pour Tristan, il a enregistré sa voix en premier et ensuite tout l'orchestre, le choeur et les autres chanteurs. Ils entendaient sa voix dans le casque.

C'était lui le chef d'orchestre, alors ! A Paris, vous avez récemment chanté Das Lied von der Erde. Le lied est-il important, proportionnellement, dans votre carrière ou est-ce quelque chose d'occasionnel ?

Malheureusement, c'est occasionnel, proportionnellement, mais c'est très important depuis toujours. Pour un récital ou pour un concert, il faut deux ou trois jours de préparation, pour un opéra, sept semaines. Je chante cinq ou six récitals chaque année.

Vous vous êtes produit dans de prestigieux festivals, comme celui d'Edimbourg.

Oui, chaque année, sauf l'an passé. C'est important aussi pour ma voix, pour utiliser des niveaux de volume impossibles à utiliser à l'opéra, avec un orchestre. Avec le piano, tout est possible. Et surtout, c'est moi qui choisis la musique dans ce moment. Si ça marche avec le pianiste, si on pense la même chose au même moment, c'est merveilleux. Par exemple, je peux faire un piano subito là où j'ai toujours fait un forte et il réagit tout de suite, alors qu'avec l'orchestre, c'est impossible.

Vous ne faîtes jamais de récitals d'airs d'opéra ? Très peu ?

Non. Mais je crois qu'il est important, pour des oeuvres qui sont comme Fierrabras, dont la musique est fantastique mais l'histoire ridicule, très difficile à mettre en scène donc, que c'est mieux de les donner en version concert.

Comme les Königskinder.

Non, on les a mis en scène à Munich, avec Robert Gambill et Annette Dasch...

Mais il faut quand même les oies, ce doit être difficile !

Exact ! (rires).
Mais ce Fierrabras, quand j'ai vu la partition pour la première fois, j'ai pensé qu'il était impossible d'en faire une mise en scène, que ce serait ridicule, mais la façon dont Claus Guth l'a fait, c'est génial. c'est donc possible !

Vous avez déclaré à un journal : « Je n'aime pas mon image de "sexy tenor". »

Oui, si un jugement sur mon travail se réduisait à cette image, je ne l'accepterais pas, mais si quelqu'un dit comment je chante et ajoute que je suis un « sexy tenor », je l'accepte.
C'était dans le New York Magazine, le sous-titre de cet article était « Briangelina sings », c'est-à-dire Bratt Pitt et Angelina Jolie chante. Angela Gheorghiu et moi étions désignés ainsi. On disait que je ressemblais à une rock star sur scène.

Y avait-il des affiches avec des photos où on met en avant votre physique, comme souvent à New York ?

Non, seulement les noms. La prochaine fois !

Quand vous aurez fait un disque avec votre photo sur la couverture? Est-ce un projet en cours ?

Oui, j'ai commencé avec Strauss, ça sortira en mai, peut-être, chez Harmonia Mundi.
Après, je voudrais faire Die Schöne Müllerin, parce que ça, c'est pour moi. Je crois que c'est mieux d'enregistrer ça maintenant, parce que cette personne est vraiment très jeune, très naïve. Je crois qu'avec les ans on ne peut plus exprimer la fraîcheur de l'oeuvre. Winterreise, c'est autre chose. Mais chez Harmonia Mundi, ils veulent que je chante des ballades, mais ce ne sont pas des ballades écrites pour ténors...

A Paris, à part Traviata, il y a Fidelio ?

Oui, je l'ai chanté à Zürich. j'ai chanté Jaquino à Stuttgart et à la Scala avec Muti. Il y a deux ans j'ai fait Florestan pour la première fois avec Harnoncourt. Beethoven avec lui, c'était... très lent. Le duo « O namenlose Freude » (il chante très lentement) ; c'est en DVD. c'était important pour moi de le faire une fois scéniquement pour décider si je ferais le rôle. Après, j'ai accepté de le faire ici, en 2008.

A part l'opéra, qu'écoutez-vous ?

Du jazz, de la musique italienne, Giovanotti, Giorgia, je ne sais pas si c'est connu en France, mais aussi Cesaria Evora. Des choses normales, je crois (rires) !

Le cinéma vous intéresse-t-il ? Le film-opéra ?

Les films-opéras non, déjà les DVD, pour moi c'est très dur de voir ça, parce qu'on ne peut pas décider où et qui on regarde : c'est toujours la caméra qui décide.
Je vais toujours au cinéma quand je suis « en exil », à New York, par exemple.

Paris est un exil pour vous ?

Un peu, parce que j'ai une femme et trois enfants, alors c'est difficile de rester là pendant quelques semaines. Mais ici, c'est plus facile qu'à New York : l'avion pour Zürich est très pratique. Mais à New York, même avec trois jours de libre ça n'a pas d'intérêt de faire l'aller-retour.

Zürich est très central en Europe.

Oui, l'aéroport est petit et bien desservi. Par exemple, de Munich, il y a moins de vols directs pour Chicago que de Zürich. Ça met trois ou quatre heures de plus. J'habite à moins d'un quart d'heure de l'aéroport. Je pars de chez moi une heure avant le vol !

Votre famille vient-elle vous voir pour le week-end ?

Oui, mais ma fille étant à l'école... il était prévu, il y a deux ans, qu'ils viennent ensemble pendant les vacances, mais un troisième bébé est arrivé entre-temps, au milieu de novembre, et 10 heures dans l'avion avec un bébé? Ils sont allés skier au Tyrol !

Quelle est la meilleure acoustique au monde ?

Le Concertgebouw. Fantastique. Pour l'opéra, je ne sais pas. Au Met, c'est très impressionnant, c'est vraiment facile de chanter là-dedans.

Et Bastille ?

C'est un gros problème, acoustiquement et aussi du point de vue du contact avec le public, même pour le public, c'est vraiment comme un cinéma gigantesque. Acoustiquement, le Châtelet, Garnier c'est merveilleux.
A Berlin, il y a le Deutsche Oper, le Staatsoper... Mais pour les salles de concert, bien sûr, c'est Concertgebouw. Incroyable.

Rêvez-vous de chanter à Bayreuth ?

On verra. J'ai déjà parlé avec des gens, là-bas, il y a quelques idées...
Ce n'est pas bien de commencer à chanter Wagner là-bas, il faut commencer ailleurs.

Quels sont les grands ténors du passé que vous admirez ?

Pour moi, Wunderlich est toujours au sommet... Mort à 36 ans, mais il a enregistré tant de choses ! J'ai 36 ans, moi, et à côté de lui... Domingo aussi, c'est incroyable, cette énergie. Mais aussi des chanteurs d'autrefois.

Vinay ?

Oui, Sandor Konya, des voix barytonantes, mais aussi Peter Anders, une génération de chanteurs qui cherchaient toujours à chanter avec élégance, à soigner la ligne de chant, à ne pas forcer, ne pas manger les mots... ça me fascine.
j'ai entendu dans une interview Wunderlich parler du Vokalausgleich, le fait de chanter toutes les voyelles d'une façon très similaire. Sans articuler nettement, en ouvrant, comme ça, la ligne n'est pas rompue par l'écartement vocalique. Il faut trouver le point parfait pour combiner cela avec une prononciation impeccable, compréhensible. Aujourd'hui, c'est très difficile à trouver.
Il est aussi plus facile, je crois, de chanter pour moi en français que pour un français, pour qui ce sera plus facile en allemand que pour moi.

Quels sont les chanteurs français qui chantent bien l'allemand ? Crespin autrefois...

José van Dam. Sa diction allemande est excellente. En français aussi il peut jouer avec la langue. C'est extraordinaire. J'ai fait deux productions de la Damnation de Faust avec lui, à Bruxelles et à Genève.

Avez-vous vu celle de l'ONP, par Robert Lepage ?

Oui, je l'ai vue avec Paul Groves.

Avez-vous des partenaires vocaux de prédilection ?

Euh... Avec Angela ça a très bien marché, mais on verra si elle veut chanter seulement avec Roberto...

Elle veut certainement chanter avec d'autres ténors que lui !

Avec Vesselina Kasarova, ça fonctionne à merveille !

Il faut que vous fassiez un Werther avec elle !

Oui ! Elle me l'a dit, justement !
Une autre chose est prévue avec elle, en 2008 : une nouvelle production de Carmen, pour sa prise de rôle. On a fait aussi Le Couronnement de Poppée, elle chantait Poppée et moi Néron, en 2005, dans une mise en scène de Jürgen Flimm.

Ça va sortir en DVD ?

Non, malheureusement, parce que c'était une très belle production. Et ça, avec Harnoncourt, c'est fantastique.

Trente ans après sa trilogie à Zürich? Y a-t-il encore des productions de Ponnelle à Zürich ?

Non, pas du tout, l'enlèvement au sérail était le dernier, je l'ai chanté en 2002. Cela a été difficile de sortir de cette époque.
J'ai parlé avec un directeur de théâtre qui m'a raconté qu'il aimait beaucoup une production du Staatsoper vue alors qu'il était jeune, pour lui c'était la plus belle production jamais vue, et chaque fois qu'il a vu de nouvelles productions de cet opéra, il les rejetait. Un jour, un ami lui dit « j'ai une vieille vidéo en blanc et noir de cette production ! » Il l'a regardée et a dit que c'était horrible ! Le goût change. Impossible de faire du Ponnelle aujourd'hui ! c'est passé. Mais il y a beaucoup de vidéos de ses spectacles.

Seriez-vous intéressé par l'enseignement ?

Oui, un jour, mais pas tout de suite. c'est une certaine responsabilité, il faut être disponible et je n'ai pas beaucoup de temps.

Combien de soirées chantez-vous par an ? Soixante-dix ?

Non, cinquante-cinq, environ. Avec des amis chanteurs, nous avons décidé que soixante serait le maximum et que si l'un de nous dépassait ce chiffre, les autres lui feraient une remarque !

Il nous reste à vous remercier et à vous laisser aller vous maquiller pour la représentation de ce soir !






 
 
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