|
|
|
|
|
Concert Classic |
François LESUEUR |
|
Operette, Tournee ab 15. April 2015
|
|
Jonas fait son show
|
|
Jonas Kaufmann en récital au Théâtre des Champs-Elysées 4/4
Onzième et dernière étape d'une tournée parfaitement rodée, baptisée « Du
bist der Welt für mich » (1), Paris attendait de pied ferme le Ténor des
ténors, Jonas Kaufmann, ce 23 mai. A l'origine de cette série de concerts
débutée à Cologne, un album en hommage aux succès du tandem Lehár-Tauber et
de l'âge d'or du cinéma parlant jusqu'aux premières épuration nazies, publié
en début d'année, un DVD comprenant un live donné à la Maison de la Radio de
la rue Nalepa (Berlin) et un documentaire sur le Berlin des années 30
(Sony), sans oublier teaser, séances photos et autres objets de marketing.
Sur la scène du TCE pour une soirée inscrite dans le série "Les Grandes
Voix", Kaufmann, décontracté comme rarement, s'adresse d'abord au public
pour lui expliquer la présence incongrue d'un micro, destiné à respecter
l'intimité de certains airs ou chansons composés pour le cinéma,
contrairement aux extraits d'opérettes écrits pour être accompagnés par de
grandes formations orchestrales. Si certains ont par le passé usé et abusé
de la technologie pour tricher sur l'authenticité de leurs moyens vocaux,
Kaufmann, nous le savons, est le même à la scène et dans les studios
d’enregistrements ; on regrette cependant que sur les douze morceaux
choisis, trois seulement aient été donnés sans artifice car « Freunde das
Leben ist lebenwert » issu de Giuditta et le célèbre « Dein ist mein ganzes
Herz » du Pays du Sourire, tous deux de Lehár, chantés d'une voix pleine aux
accents tumultueux et caressants parsemés d'aigus torrides, donnaient envie
de rester sur cette impression ; au passage, le second couplet du Pays du
sourire donné en français, n'a pas manqué de transporter l'auditoire...
largement féminin.
D'une qualité artistique, musicale et
interprétative équivalente, le reste de la performance était donc
entièrement sonorisé, ce qui n'a pas empêché le ténor de gratifier ce
répertoire léger d'un timbre de miel et de feu où cohabitent tout ensemble
humour subtil (« Heute Nacht oder nie » de Mischa Spolianzi, qu’interprétait
le ténor polonais Jan Kiepura dans le film de Anatole Litvak Das Lied einer
Nacht - 1932) et érotisme latent (« Gern hab ich die Frau'n geküsst » ;
Paganini/Lehár), dignes des plus grands crooners du passé. Aussi à l'aise
pour recréer ces atmosphères délicieusement kitsch et surannées que
lorsqu'il se glisse dans la peau du romantique Werther, du cow boy Dick
Johnson ou du jumeau incestueux de La Walkyrie, Kaufmann prend un plaisir
infini à ressusciter ces partitions qui ont accompagné toute une génération
pendant l'entre-deux-guerres et dont la popularité fut immense grâce à
l'avènement du parlant et de l'industrie du disque.
A côté de la
musique élégante et raffinée de Lehár et de son concurrent direct Kálmán,
celle de Hans May « Ein Lied geht um die welt » écrite pour le film du même
nom réalisé par Richard Oswald en 1933 et immortalisée par le ténor Joseph
Schmidt, trouve elle aussi sa place dans ce programme tout de même
déséquilibré par la présence de la terrifiante Marche issue de l'opérette
Frühjahrsparade (Robert Stolz) et de l'air issu du long-métrage Das
Liebeskommando, un rien pompier, dirigés sans grande nuance par Jochen
Rieder à la tête du Müncher Rundfunkorchester.
Généreux et expansif
face à une salle comblée, Jonas Kaufmann est revenu à cinq reprises :
d'abord avec un « Es muss was Wunderbares sein » de Ralph Benatzky,
enflammé, suivi par un langoureux « Irgendwo auf der Welt » de Richard
Heymann, avant de remplacer le chef pour diriger la vigoureuse, mais si «
teutonne », Marche de Stolz citée plus haut et de conclure avec le
mélancolique et pourtant malicieux « Frag nicht, warum ich gehe » toujours
de Stozl, que Marlène Dietrich aimait tant interpréter dans ses tours de
chant et dédiait toujours à son ami Tauber, reprenant enfin l'air de
Giuditta, non sans avoir retiré sa cravate dans l'euphorie générale. Un
concert revigorant, quelques semaines seulement avant un nouveau sacre
annoncé, aux Chorégies d'Orange où le ténor fera ses premiers pas avec un
Don José très attendu.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|