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Olyrix, Le 28/04/2023 |
Par Vojin Jaglicic |
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Wagner: Die Walküre, Neapel, ab 16. April 2023
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Jonas Kaufmann triomphe en Siegmund à Naples
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Après quelques mois de travaux, le
Teatro San Carlo retourne dans sa salle palatiale royale pour la production
phare de sa saison 22/23 : La Walkyrie avec Jonas Kaufmann en tête de
distribution, aux côtés de John Relyea et Vida Miknevičiūtė, avec en fosse
le nouveau directeur musical, Dan Ettinger.
En raison des travaux
dans sa salle historique au bord de la mer et greffée au Palais Royal, le
Teatro San Carlo de Naples avait démarré l'année 2023 hors les murs, au
Teatro Politeama, donnant ses productions lyriques en version de concert. Le
retour solennel est ainsi marqué par la production de La Walkyrie et le
retour du ténor vedette Jonas Kaufmann dans le rôle de Siegmund, l'un des
rôles pour lesquels il explique avoir été le plus sollicité depuis sa prise
de rôle au Met en 2011. Le Surintendant Stéphane Lissner en a ainsi
l'honneur, après la Tétralogie contrainte, confinée et sans Jonas Kaufmann à
Paris en temps de Covid.
Déjà plongé dans l'univers wagnérien avec la
récente prise du rôle-titre de Tannhäuser à Salzbourg, il déploie son ténor
touffu au service du drame qui se présente ici presqu'exclusivement sur le
plan musical. La prosodie est comme toujours minutieusement travaillée et
exemplaire, en phase avec un phrasé rond et expressif qui atteint son apogée
dans le "Winterstürme", hautement lyrique et pétri de nuances. L'appareil
est résonnant et solidement projeté, malgré quelques limitations dans les
aigus. Après un début réservé, il monte en crescendo nuancé avant d'arriver
aux séquences héroïques, appuyé sur une technique impressionnante lui
permettant des notes longues et plus que généreuses, au grand bonheur du
public qui l'ovationne.
La soprano Vida Miknevičiūtė en Sieglinde
fait ses débuts à Naples tout comme la plupart de ses collègues sur le
plateau (seulement trois solistes présents ont déjà chanté au San Carlo).
Elle arbore une expression dramatique et vibrante mais la voix est plutôt
tendre, quoiqu'assez puissante et endurante dans les longs aigus intensifs
et soutenus. Les graves sont suaves et amenuisés devant l'étoffe
orchestrale, avec une justesse cristalline et l'articulation nette qui va de
pair. Les duos d'amour sont comblés de lyrisme et ses adieux sont tissés
d'une large ligne expressive qui illumine la salle, passant au-delà de la
fosse.
Juste un mois après son Wotan à l'ENO, John Relyea revêt la
fourrure de chasseur du redoutable Hunding. Son timbre assombri et
solidement étoffé se prête bien au caractère féroce et orgueilleux de son
personnage au regard menaçant, complété par un jeu investi, qui n'est pas
pour autant dénué de surjeu (notamment à l'Acte II). La carrure sonore de
son assise embrume parfois les paroles, mais regagne la clarté en remontant
dans la sphère médiane.
Le baryton britannique Christopher Maltman
(Œdipe de Bastille) campe ici Wotan, d'un pas assez ralenti. Ces diminutions
de tempo lui permettent une plus grande précision rythmique, mais desservent
le sens du drame wagnérien (son arrivée en colère au troisième acte perd
ainsi son effet). Son timbre est moins charnu que ce rôle le requiert, mais
la projection reste tout de même vigoureuse et souveraine dans le registre
central. Le phrasé est stylistiquement en place et plein d'émotions,
jusqu'aux derniers moments et à l'immolation de sa fille Brünnhilde.
Varduhi Abrahamyan chante Fricka d'une voix robuste et bien posée sur les
graves. Son allemand est soigné et riche en nuance, mais fragilisé par un
vibrato démesuré qui ne cesse de s'intensifier dans les aigus, amincis et
perçants.
Okka von der Damerau en Brünnhilde fait une entrée
hésitante sur le plan vocal, son Hojotoho! étant écourté et saccadé, avec
une justesse glissante. Elle se récupère par la suite, même si le rythme
reste imprécis. Les tempi moins intenses lui conviennent mieux, notamment
dans son finale où sa pâture dramatique mais aussi lumineuse peut s'épanouir
dans les cimes.
Dans la sororité des Walkyries, le soprano étoffé de
Gerhilde par Nina-Maria Fischer est suivi d'Ortlinde par Miriam Clark, plus
claire et irradiante, quoique perçante. Sa sœur Waltraute, Margarita
Gritskova chevauche et chante d'un pas mal assuré et au timbre boisé, tout
comme Schwertleite (Christel Loetzsch) aux couleurs plus foncées. Regine
Hangler chante Helmwige aux aigus sifflants, rejointe par la Siegrune de
Julia Rutigliano, moins sonore mais bien juste. Finalement, Grimgerde
(d'Edna Prochnik) et Rossweisse (de Marie-Luise Dreßen) concluent cette
revue des guerrières avec leurs voix douces et harmonieuses. Les filles de
Wotan unies restent pourtant moins soudées et cohérentes sur le plan vocal,
pour le rythme surtout.
La direction vive du nouveau directeur
musical de la maison, Dan Ettinger, souffre de nombreuses inégalités,
cherchant à raccommoder les tempi tout au long de la soirée, s'adaptant aux
sensibilités des solistes. Il forme un bon équilibre sonore entre le plateau
et la fosse, accordant la priorité aux chanteurs sans les couvrir. Les
cuivres sont puissants et dramatiques, dans les thèmes funèbres notamment.
Parfois, leur vigueur tourne au tonitruant, au grand dam des cordes
harmonieuses. Par ailleurs, quelques moments hautement intenses restent sans
leur suc, du fait d'un jeu insuffisamment prononcé sur le plan rythmique.
Les numéros solistes et intimes sont d'autant plus remarqués, alors que les
tutti finissent de manière solennelle et lyrique, dans une plénitude sonore.
La mise en scène de Federico Tiezzi est une reprise du spectacle
créé en 2005, avec des costumes d'époques (de Giovanna Buzzi). Elle s'appuie
sur les décors de l'artiste sculpteur Giulio Paolini. Une grande
construction symétrique en cubes trône au centre du plateau tout au long du
spectacle. Les accessoires y changent pour contextualiser le récit : le
chêne et l'épée Nothung, les roches du Walhalla, les héros déchus démembrés
chez les Walkyries, ainsi que le plateau élevé mis en place pour le sommeil
de Brünnhilde. Cette composition symboliste vise à réunir les arts dans son
iconographie (outre la musique et la poésie de la partition, la peinture et
la sculpture), dans le projet Wagnérien donc d'œuvre-d'art-totale mais
auquel Tiezzi rajoute la table et les chaises de banquets familiaux humains
très humains (avec leurs discordes). La mise en scène se focalise sur sa
scénographie, les mouvements d'acteur y étant presque inexistants.
Le public gratifie les solistes de grands applaudissements après chaque
acte, mais c'est encore et toujours Jonas Kaufmann qui récolte les plus
grands éloges des mélomanes napolitains.
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