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Opera Online |
Emmanuel Andrieu |
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Beethoven: Fidelio, Gstaad und Grafenegg, August 2022
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Jonas Kaufmann (et Sinéad Campbell-Wallace !) en grande forme dans Fidelio au Gstaad Menuhin Festival
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Après avoir dû annuler son édition en
2020 qui devait être dédiée à Vienne, et notamment à Ludwig van Beethoven
pour le 250ème anniversaire de sa naissance, le Mehuhin Gstaad Festival et
son directeur Christoph Müller ont remis la ville autrichienne et l’un de
ses plus illustres ambassadeurs au cœur de la mouture 2022, avec comme point
d’orgue son unique opéra : Fidelio ! Et en distribuant le rôle de Florestan
à Jonas Kaufmann, le festival pouvait être sûr de faire le plein, le
spectacle affichant ainsi complet depuis des semaines.
Et les
aficionados venus des quatre coins de l’Europe (voire au-delà) n’ont pas été
déçus, car c’est dans une forme olympique que l’illustre ténor allemand
apparaît – quand bien même après l’entracte vu que le personnage ne surgit
qu’au bout d’une heure de musique. Lors de son entrée en scène, il se joue
de l’écriture périlleuse du fameux air du II « Gott, welch Dunkel hier ! »,
avec un beau mélange de lyrisme et d’héroïsme, commençant la note pianissimo
avant de la terminer fortissimo, avec autant de souffle que de puissance :
un véritable tour de force qui restera le clou de la soirée – et qui a fait
forte impression sur un public médusé par la performance. Par la suite, il
délivre le chant nuancé et tout en demi-teintes dont il est coutumier et qui
a fait sa renommée, jetant enfin toutes ses forces (et avec quel éclat !)
dans le grandiose finale « Heil Sei dem Tag ».
La production aurait
pu payer de malchance avec le retrait successif, dans le rôle-titre, d’Anja
Kampe puis de Simone Schneider. Il n’en a rien été tant la jeune soprano
irlandaise Sinéad Campbell-Wallace a tout d’une grande Léonore ! Après avoir
triomphé dans le rôle à La Seine Musicale en mai dernier (aux côtés du
Florestan de Stanislas de Barbeyrac), c’est au public de la très huppée
station alpine de découvrir cet incroyable talent qui, chose inouïe, reçoit
des applaudissements encore plus nourris que Kaufmann au moment des saluts –
et ce n’est que justice tant l’ouvrage repose avant tout sur son personnage.
De fait, la cantarice s’avère de bout en bout superbe, avec un profil vocal
qui s’affirme de manière péremptoire, net, clair comme une épure ; l’émotion
qu’elle dégage est aussi vraie que sa présence est forte. Avec sa voix
puissante et bien projetée, elle affronte crânement les écarts et les
vocalises de son redoutable grand air (« Abscheulicher »), et elle donne
plus encore la vraie mesure de ses moyens durant le deuxième acte, où les
insensibles transitions du parlando, aux envolées plus ouvertement lyriques,
révèlent une prodigieuse maîtrise des ressources vocales.
Du haut de
ses 63 printemps, le baryton allemand Falk Struckmann n’accuse aucune baisse
de régime, conférant à son Don Pizzaro toute la hargne, l'autorité et la
puissance vocale requises par sa partie. De son côté, la basse allemande
Andreas Bauer Kanabas, par son chant tour à tour viril et bonhomme, convainc
en Rocco, mais l’on admire en premier lieu sa magnifique ligne de chant, qui
nous avait déjà particulièrement enthousiasmé dans Don Carlos (rôle de
Philippe II) à l’Opéra d’Anvers en 2019. Le Jaquino du jeune ténor allemand
Patrick Grahl fait bonne impression avec son timbre séduisant et sa présence
joyeuse, tandis que la jeune et pétillante Christina Landshamer restitue
fort bien à Marzelline, avec sa voix fraîche et pure, sa juste filiation
mozartienne. Enfin, le Don Fernando de Matthias Winckhler complète avec
éclat cette distribution sans faille.
Parfait à la tête de la
phalange dont il est le chef titulaire, Jaap van Zweden enflamme
littéralement les différents pupitres du Gstaad Festival Orchestra – même si
on déplore quelques flottements du côté des cors dans le premier acte. Il
offre une lecture exaltée, frénétique et passionnée de la sublime partition
de Beethoven, à l’image de l’amour romantique et libérateur de Leonore pour
Florestan. Enfin le Chœur de la Philharmonie Tchèque, excellemment préparé
par Petr Fiala, se révèle magnifique d’homogénéité, de plénitude et de
musicalité.
Enfin, précisons que, dans cette version de concert, les
dialogues parlés ont été supprimés pour être remplacés par un récitant, une
mouture imaginée par Nikolaus Harnoncourt pour son festival Styriarte en
2009 (sur un texte de Walter Jens). L’acteur allemand Peter Simonischek y
incarne Rocco qui, quatre ans après les événements, se remémore les faits
marquants de cette sombre histoire, mais avec beaucoup d’humanité, de
tendresse et de poésie. Son incarnation pleine d’émotion, et sa magistrale
élocution, ne sont pas les moindres bonheurs d’une soirée qui n’en aura pas
été avare !
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