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Olyrix, 12/12/2022 |
Par Vinda Sonata Miguna |
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Giordano: Andrea Chenier, Wiener Staatsoper, ab 30.11.2022
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Andrea Chénier à Vienne : double voyage dans le temps avec Jonas Kaufmann et Maria Agresta
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Andrea Chénier d'Umberto
Giordano mis en scène par Otto Schenk est repris à l’Opéra d’État de Vienne
avec une distribution étoilée menée par Jonas Kaufmann, Maria Agresta et
George Petean, sous la direction de Francesco Lanzillotta :
À l’Opéra d'État de Vienne, Andrea Chénier par Otto Schenk est un double
voyage dans le temps : une capsule témoin qui resurgit après 41 ans (la
production a été inaugurée en 1981), et un tableau vivant imaginaire de la
France pendant les heures sombres de la Révolution. Les décors de Rolf
Glittenberg et les costumes de Milena Canonero – visant une représentation
fidèle au livret – transportent au temps du drame, et donnent dans un même
un aperçu d’anciennes tendances de la mise en scène. Le premier acte a lieu
dans le salon orné de la Comtesse de Coigny, le deuxième se passe dans la
cour intérieure d’un groupe de bâtiments formant trois façades avec fenêtres
(simplicité existant à Paris, mais d'un style plutôt courant à Vienne).
Toutes les interactions se déroulent dans ces lieux reconnaissables, et même
au milieu de la scène à la terrasse d’un café. Finalement, la scène se
réduit et se couvre d'un tissu noir, symbolisant la tristesse et l’isolement
des amants avant l'échafaud. Se focalisant sur l'essence du drame, le chemin
vers la guillotine est représenté de manière très romantique et symbolique
(en partie grâce à l’éclairage), comme une sorte de mort d’amour, sans doute
pour atténuer l’aspect sinistre.
Après une vive inquiétude suite à
une annulation, le public est soulagé que Jonas Kaufmann soit bien là pour
incarner Andrea Chénier. Le timbre caractéristique et riche en textures
garantit, avec une expressivité vocale et dramatique entière, une
incarnation convaincue du poète condamné. Des moments parfois efforcés sont
compensés par une bonne exploitation dramatique de l’aspect héroïque du
timbre qui garantit un équilibre délicat entre la sensibilité et la
sentimentalité. Les élans dramatiques clés du personnage se manifestent avec
aisance et intelligence.
Maria Agresta (Maddalena di Coigny) est une
partenaire vocale et dramatique, gentille sans être trop mielleuse, rêveuse
mais combattante, avec finesse dans le jeu. Le timbre combine la densité et
la légèreté lyrique, montrant son éclat dans tous les registres assurés avec
grâce et aisance. Dans une logique de continuité vocale, ses arias ne sont
pas trop soulignées, mais cousues comme des parties intégrantes du
développement du personnage. Le dernier duo avant l’exécution déploie une
apothéose lyrique et dramatique que la scène dénudée ne fait
qu’intensifier.
George Petean est étonnamment sympathique dans la
figure antagoniste de Carlo Gérard. La voix et les manières d'abord raidies
se déploient assez rapidement, par son timbre sombre et corsé, en élans
lyriques imposants et libres. La transformation du personnage peut
surprendre, mais l’humanité qui se manifeste dans l’expressivité vocale
dirige la focalisation sur sa prise de conscience et l’empathie qu’il
ressent vis-à-vis de Maddalena.
Isabel Signoret (Bersi) charme par
son timbre transparent d’un profil très clair - presque angélique par
moments - ce qui forme une ironie avec le pragmatisme de cette servante
devenue précieuse. Stephanie Houtzeel (Comtesse de Coigny) est fière et
convaincue dans l’incarnation comme dans le chant. Ce dernier souligne
particulièrement bien l’épaisseur et la chaleur du timbre dans les écarts
vocaux. Michael Arivony (Roucher, ami d’Andrea) saisit les nuances
émotionnelles et son timbre, moyennement sombre, complémente bien celui de
Kaufmann. Monika Bohinec (Madelon) impressionne particulièrement par le
timbre sombre et velouté qui se déploie en caresse ou en menace, en fonction
des exigences. Wolfgang Bankl (Mathieu) a une forte présence scénique
renforcée par la gravité du timbre et une puissance remarquée. Carlos Osuna
(Incroyable) est dynamique, badin et intrigant, sautillant et libre dans le
chant.
Marcus Pelz tient le double rôle du maître de la maison et de
Dumas par une vivacité harmonieuse avec le chœur. Andrea Giovannini (L’Abbé)
a un timbre agréable, tout à fait adapté pour évoquer le genre pastoral.
Trois chanteurs de l’Opernstudio sont également présents parmi les rôles
secondaires. Stephano Park, incarnant le personnage historique
Fouquier-Tinville, démontre une solidité vocale remarquée. Jack Lee
(Fléville) a un beau timbre régulier et un bon potentiel lyrique, mais plus
de puissance serait apprécié. Jusung Gabriel Park (le geôlier Schmidt),
conscient de la fonction de son rôle et de l’expressivité vocale adéquate
pour la saisir, donne une contribution sympathique aux moments conclusifs.
Enfin, le chœur sous la direction de Thomas Lang privilégie l'équilibre de
l’énergie et de la régularité de bout en bout.
La direction musicale
de Francesco Lanzillotta est ferme, décisive et élégante. Le lyrisme est
souligné dans la synergie entre cordes et cuivres, ancrés sur la sombre
prémonition qui bouillonne dans le grave. L’accompagnement musical a
tendance à trop s’imposer au début, mais cet état de fait s'améliore au fur
et à mesure jusqu’à atteindre un équilibre harmonieux entre la musique et la
voix.
Le public, en belle partie composé d’abonnés fidèles de la
maison, se lève pour applaudir le spectacle et ses vedettes.
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