|
|
|
|
|
Classique News, 28.2.2021 |
par Ernst Van Bek |
|
Verdi: Aida, Paris, Opera Bastille, 18. Februar 2021
|
|
STREAMING, opéra, CRITIQUE I Le 21 février 2021. VERDI : Aida : Tézier, Kaufmann, Opéra de Paris
|
|
STREAMING, opéra, CRITIQUE I Le 21
février 2021. VERDI : Aida : Tézier, Kaufmann, Opéra de Paris. A nouveau
cette nouvelle production d’Aida présentée à l’Opéra de Paris fait surgir la
question d’un décalage malheureux entre l’unité et le sens originels de la
partition quasi archéologique de Verdi (qui reçut les conseils de
l’égyptologue français, Auguste Mariette) et les options de la mise en scène
signée de la confuse et non verdienne Lotte de Beer. Exit la grandeur
exotique d el’Egypte ancienne et flamboyante du NOuvel Empire : voici une
action traitée comme une comédie de mœurs dans un musée XIXè, avec
marionnettes pierreuses à l’avenant, sans que l’on sache vraiment ce que ses
« doubles » des protagonistes ajoute à la clarification du propos. Peu
inspirée par l’univers verdien, Lotte de Beer plaque des préconçus et des
thématiques qui n’ont rien à voir avec la dramaturgie verdienne,
caractérisée comme toujours par le conflit douloureux entre amour et devoir,
solitude impuissante des individus et nécessité de la loi sociale et
politique. Dans le sillon tracé et fixé par le grand opéra version
Meyerbeer, Verdi oppose avec génie, la question des conflits géopolitiques
et le destin des individus dont l’amour contredit les plans et les intérêts
supérieurs, d’autant que comme dans Don Carlo(s), l’église s’en mêle et
soumet tout un chacun à la loi mystérieuse mais avide et vorace des dieux.
VOIX PUISSANTES et CHEF EXPRESSIF Aida à l’Opéra de Paris en février
2021
Même général victorieux, Radamès a trahi son pays pour l’amour
de la belle éthiopienne Aida, réduite en esclave à la Cour d’Amnéris,
l’égyptienne trop jalouse, qui aime Radamès mais sans retour. Les
costumes renvoient à l’époque où fut composé l’opéra, fin XIXè, pour
l’inauguration du Canal de Suez. Mais dans cette grille conteporaine, on
n’identifie pas clairement les relations qui situent chaque personnage… Ne
parlons ni des décors ni du mouvement des chœurs comme de la directions
d’acteurs : quand ils ne sont pas laids et décalés, il sont absents. Ce
manque de vision, de cohérence… interroge.
Heureusement la
réalisation musicale est à la hauteur de cet événement parisien, affiché,
diffusé en plain confinement de la culture et du spectacle vivant. Le chef
Michele Mariotti détaille et insuffle de belles couleurs, des nuances
expressives très convaincantes : il souligne sous chaque épisode la double
lecture : politique / individuelle. Le plateau réunit des chanteurs à
décibels, puissants naturellement et heureusement phrasés. Ainsi les femmes
sont très incarnées, aux timbres magnifiquement opposés. La fauve, sombre et
viscérale Amnéris, dévorée par la jalousie (Ksenia Dudnikova aux aigus qui
dérapent parfois cependant) contredit le soprano clair et tout aussi sonore
de Sondra Radvanovsky, Aida palpitante et sobre, riche en harmoniques
sensibles. Le cast souligne ici combien la partition est aussi une affaire
d’hommes (comme dans Don Carlo/s également avec le duo Carlo et Posa) :
Ludovic Tézier affirme un Amonasro (père d’Aida), félin, articulé, noble de
bout en bout (vrai baryton verdien sculptant avec finesse son profil
psychologique), tandis que Jonas Kaufmann (Radamès) colore sa voix sombre
d’éclats crépusculaires qui brûlent littéralement dans la scène finale où
les deux amants sont réunis mais emmurés vivants. Evidemment les voix à
l’intonation si facile semble souvent être indifférents aux mots et au texte
en général (à l’exception de Kaufmann). Dommage. Voici donc une
production vocalement intense et caractérisée, orchestralement passionnante,
mais dénaturée (encore) par une mise en scène à l’éclectisme déconcertant.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|