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Opera Online |
Thibault Vicq |
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Met in HD online: Polling, Opern-Recital, 18. Juli 2020
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Streaming : Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch étrennent la série des Met Stars Live in Concert
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On savait le Metropolitan Opera pionnier
de l’opéra en ligne, avec les captations en direct dans les cinémas du monde
entier dès 2006, et plus récemment un At-Home Gala réunissant des stars
confinées à leur domicile. La maison légendaire ne rouvrant pas avant le 31
décembre en représailles de la crise sanitaire, son directeur Peter Gelb a
eu le flair d’une proposition artistique génératrice aussi bien de revenus
que d’attentes du public : des récitals live d’artistes qui ont contribué à
la patte prestigieuse du Met ces dernières années, filmés par des
professionnels, mais visibles uniquement en ligne, moyennant un tarif de 20
dollars par représentation. « Rendre le Met plus accessible » continue à
être une priorité de Peter Gelb. Et ce nouveau format répond à la «
difficulté pour les artistes et le public de ne pas pouvoir voyager
librement » actuellement. La série en douze épisodes commençait dans le buzz
avec Jonas Kaufmann et le pianiste Helmut Deutsch, depuis l’abbaye de
Polling, en Bavière, en un concentré de plusieurs albums enregistrés par le
ténor.
Chez Puccini, la voix est majestueuse et protectrice, emballée
dans un ballotin de papillotes fondantes. Les graves charnus et les aigues
funambules sont accompagnés par une fausse timidité du piano, qui se fondra
dans le timbre de son comparse en faisant monter la mayonnaise
dramaturgique, à partir d’un sidérant écho hanté. Le « Nessun Dorma » de
Turandot qui met un point final au concert n’est peut-être pas l’air le plus
triomphant de la soirée, mais il témoigne d’une minutie perfectionniste à ne
jamais répéter les mêmes notes de la même manière. Les touches blanches et
noires deviennent des outils de construction qui laissent bouche bée ; les
briques de l’Intermezzo de Manon Lescaut, que l’instrumentiste interprète
seul, s’emboîtent en nuées dans un art terrassant du crescendo. Comme
d’habitude au Met, le récital est entrecoupé de contenus exclusifs : la
soprane Christine Goerke renvoie à des incontournables rôles chantés par
Jonas Kaufmann au Lincoln Center, dont Dick Johnson (dans la Fanciulla del
West qu’on avait vue au cinéma en 2018) et Werther (le streaming de la
production a récemment été chroniqué sur Opera Online).
Le sol se
dérobe sous la montée émotionnelle d’ « Ah! Tout est bien fini... O
Souverain, ô juge, ô père! » (Le Cid), que le piano fait couler d’un
indomptable débit fluidique. Si Jonas Kaufmann ne paraît au contraire pas
complètement à son aise dans un « Ah! lève-toi, soleil! » du bout des
lèvres, le clair-obscur sied davantage à son Don José à visage découvert,
qu’ « un seul désir, un seul espoir » révèlera. Helmut Deutsch chuchote et
fait alors grelotter les trémolos, avant d’évoquer une jungle de plaisir
chez Meyerbeer : on entre dans l’inconnu et dans un « paradis » de musique
pure, célébrée en liberté totale par le chanteur.
Après ce quart
d’heure français, vient le tour du vérisme (notamment illustré par un
extrait du Pagliacci de Salzbourg où le ténor campait le clown triste). Les
courants chauds d’Adriana Lecouvreur sont un amuse-bouche à son Andrea
Chénier, fort d’une poigne d’acier déclarative et d’un transport du récit
propre au lied. Dans « È la solita storia » (tiré de L’Arlesiana de Cilea),
il rugit à mi-voix et adoucit ses émissions dans le souvenir de sa
bien-aimée. La précision des notes et les avalements de transitions
concourent à embellir un monde alternatif où les sentiments se développent
en arborescences. On ne peut faire l’impasse sur la capacité inouïe du
pianiste à entrer dans le son des fins de phrases de son compagnon de
musique, refusant la grandiloquence trop évidente. On a l’impression de voir
deux mains (mais on en entend bien plus !) jouer sous un contrôle
automatique par la pensée du chanteur, tant les cordes martelées sont dans
la continuation des cordes vocales. Quand bien même Jonas Kaufmann n’accorde
pas un éventail aussi complet aux contrastes de ses forte qu’à sa palette
inimaginable de nuances piano (ses fameuses nuances du susurrement), Helmut
Deutsch retombe toujours sur ses pattes avec brio. Le tandem d’alchimistes
est servi par une prise de son et d’image cinq étoiles ; le Met n’a pas
oublié son exigence artistique à tous points de vue, même à l’ère
dématérialisée.
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