Altamusica
Vincent GUILLEMIN
 
Korngold: Die tote Stadt, Bayerische Staatsoper, ab 18. November 2019
 
Mort à Munich
Nouvelle production de Die tote Stadt de Korngold dans une mise en scène de Simon Stone et sous la direction de Kirill Petrenko à l’Opéra de Munich.

Coproduite avec Bâle, la mise en scène de Simon Stone pour La Ville morte de Korngold actualise le propos par le biais d’un traitement schizophrénique et de références cinématographiques. Peu couverte en Suisse, la production est remise en lumière à Munich par la prise de rôle de Jonas Kaufmann et la direction très détaillée de Kirill Petrenko.


Composé par un jeune homme de vingt-trois ans La Ville morte est déjà un chef-d’œuvre. Créé en même temps à Cologne et Hambourg en 1920, avant d’être quelque peu mis de côté, l’ouvrage revient ces dernières années dans le monde entier autant qu’en Allemagne, où après Francfort et plus récemment Dresde, il bénéficie d’un regain de visibilité cette saison grâce à la prise de rôle de Jonas Kaufmann à Munich.

Annoncé par lui parmi quatre rôles à venir, Paul était le plus tendu, et donc le meilleur pour préparer le ténor à Tristan, dont on sait que la Bayerische Staatsoper a prévu une nouvelle production la saison prochaine. Au moins, Kaufmann ne reste-t-il ici jamais sur la réserve et évite-t-il la surutilisation de sa mezza-voce, pour un acte I difficile et souvent à la limite de la justesse, mais toujours porté par une véritable ferveur. Plus doux, les deux suivants conviennent mieux à sa voix et à son timbre, splendide dans le duo et l’air final.

En véritable bête de scène, tout particulièrement dans la poursuite labyrinthique de l’acte médian sur le plateau tournant de Ralph Myers, Kaufmann trouve face à lui une superbe artiste par le charisme de Marlis Petersen. La soprano, très souvent intégrée aux productions dirigées par Kirill Petrenko depuis Lulu dans cette même salle, tient avec sa fougue habituelle une Marietta séduisante autant que provocante.

Elle trouve ici un superbe aplomb, en malade lorsqu’elle se trouve en habit d’hôpital, le crâne rasé afin de remettre lorsqu’elle le souhaite la perruque des cheveux de la morte dont elle est la copie. Plus terne, le Frank d’Andrzej Filonczyk marque moins, là où l’on préfère la Brigitta plus vaillante de Jennifer Johnson ainsi que ses deux amies, très attirantes Juliette de Mirjam Mesak et Lucienne de Corinna Scheurle. Le chœur n’est pas en reste, surtout celui des enfants, excellemment préparé et intégré à la scène.

Dans un mélange d’années 1980 (les costumes de Mel Page et la chambre de Polaroïd en guise de mausolée de Marie) et d’années 2000 au regard de l’écran plat du salon, la proposition de Simon Stone utilise l’idée de la maladie et de quelques références cinématographiques – les affiches de Blow Up, de Pierrot le Fou. De ces liens servant comme chez Warlikowski de toile de fond ressort une action resserrée sur les deux amants et une intéressante proposition sur la schizophrénie et le rapport au réel, bien développés par les doubles de Marie et l’incertitude de nombreuses situations.

Mais pour s’accorder parfaitement à cette vision, il aurait fallu une direction soit tendue et noire, soit très anguleuse, à l’opposé de celle seulement magnifique de clarté et de détails de Kirill Petrenko. Dès l’ouverture, le chef traite surtout le matériau symphonique de Korngold dans son caractère étincelant, comme s’il s’agissait d’une partition de Schreker. On oublie donc l’émotion et l’élan global, pour une mise en avant d’instants souvent magnifiques pris isolément, avec un Bayerisches Staatsorchester étalant ses meilleures couleurs.

En cette soirée où l’on vient d’apprendre la mort du grand chef de l’Orchestre de la Radio bavaroise Mariss Jansons, la musique de cette Ville morte reste pour tous un sublime lien à la vie.











 
 
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