|
|
|
|
|
Olyrix, Le 23/03/2019 |
Par Mark Everist |
|
Verdi: La forza del destino, London, ab 21. März 2019
|
|
La Force du destin triomphe à Londres avec Jonas Kaufmann, Anna Netrebko et Ludovic Tézier
|
|
Le Royal Opera House présente
La Forza del destino de Verdi avec une distribution de premier rang mondial
dans la mise en scène de Christof Loy : |
|
Mettre Jonas Kaufmann, Anna Netrebko et
Ludovic Tézier côte à côte à l’affiche est un grand coup réalisé par Covent
Garden. Certes, les protagonistes partagent rarement la scène ensemble mais
en dehors du duo ténor-soprano du premier acte, un public enthousiaste sait
apprécier Kaufmann et Netrebko seuls ou en combinaison avec d'autres membres
d'une distribution aussi remarquable. Les têtes d’affiches impressionnent,
les seconds rôles également (comme Alcade et le Chirurgien). Sous la
direction d'Antonio Pappano, l'Orchestre du Royal Opera House semble au
sommet de sa forme, et les chœurs offrent une qualité de prestation qui
n’avait pas été entendue depuis longtemps, le tout avec une chorégraphie et
une mise en scène intelligentes et bien mesurées.
Jonas Kaufmann
marque d’emblée sa présence par une entrée en scène époustouflante dans un
premier acte qui n’est pourtant que le prélude d’une pléthore de sons
éblouissants, d’une dynamique subtile mais variée et des timbres franchement
étonnants (nuancés et dynamiques à chaque tournant du phrasé). L'ouverture
de l'acte III, avec son point culminant Oh, tu che in seno agli angeli est
une démonstration de la manière par laquelle les mêmes hauteurs peuvent
jouer sur un piano en voix de tête et un fortissimo in petto (sublime
oxymore d’un son puissant et retenu à la fois dans l’intimité). D’autant que
l’interprète vedette se déplace sur scène sans effort et avec une élégance
constante : son Alvaro d’abord entêté et ardent cède à la noblesse héroïque
dans le troisième acte puis à la résignation pieuse dans le dernier.
Leonora par Anna Netrebko se mesure pourtant facilement à lui (sur scène
mais également dans la salle où ses admirateurs ont eux aussi fait le
déplacement en force, ils ne seront pas déçus). Comme le rôle d'Alvaro et
comme Kaufmann, ce sont presque trois personnages différents qu’elle incarne
et d’une manière absolument caractérisée : l'amante ardente mais prudente,
la repentante pécheresse et la voyante visionnaire. Ces deux derniers
caractères lui permettent en particulier des lignes vocales brisées et
tremblantes à dessein qui bouleversent la salle. Un moyen de faire surgir
son chant, moins mis à l’honneur dans les longues lignes lyriques car la
production de Christof Loy voit Leonora comme submergée par le sexe opposé
(par Alvaro dans l'acte I ou par les moines dans l'acte II).
Le plus
grand ensemble de l’œuvre se déploie avec Carlo di Vargas, chanté ici par
Ludovic Tézier : un grand rôle pour une grande voix. Avec des aigus
flamboyants, des graves charpentant toute la soirée et même un jeu d'acteur
imaginatif, il est un partenaire absolu pour Kaufmann dans Voi che sì larghe
cure : les deux voix rivalisent de caractère mais en travaillant leur
combinaison.
Complétant la palette des graves, la basse de Ferruccio
Furlanetto en Padre Guardiano apporte de subtiles couleurs mezzo piano à la
gamme, équilibrant ainsi la comédie grincheuse de son jeune collègue
Melitone, au centre des éléments buffa de La Forza. Ceux-ci ont tendance à
être négligés dans le déroulement général de la tragédie, mais ce rôle
rappelant Don Alfonso et Don Pasquale correspond aux compétences et
appétences d'Alessandro Corbelli, dont l’efficacité fait rire la salle. La
brillante Preziosilla de Veronica Simeoni offre un autre ingrédient dans la
recette buffa avec la vivacité indispensable de son soprano souple qui fait
exploser les lignes de Verdi aussi facilement qu'elle se déplace sur scène.
La lecture fortement ironique de Loy sur son personnage joue beaucoup en sa
faveur, mais la finalité est périlleuse : son personnage commence comme chez
Offenbach, puis devient music-hall et finit comme dans un concert au stade.
Dans toute autre production, Calatrava de la basse distinguée Robert
Lloyd, Alcade de Michael Mofidian, Trabuco de Carlo Bosi et le chirurgien de
Jonathan Fisher auraient été dignes de rôles principaux. Ici, ils offrent un
superbe soutien au quatuor.
La production de Christof Loy fonctionne
sur des décors austères mais d'une beauté figurative (qui contraste avec
nombre de productions au Royal Opera House cette année). L'utilisation
subtile de la vidéo rappelant la mort du marquis aide à maintenir le thème
de la vengeance qui se trouve au plus profond du livret de Piave et
Ghislanzoni (sans parler de la musique de Verdi).
De nombreux
mélomanes habitués à traverser l’Europe (voire le monde) pour suivre les
têtes d’affiche éblouissantes de cette distribution s’entendaient tous à la
sortie du spectacle : un Triomphe.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|