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Resmusica, le 19 février 2018 |
par Patrice Imbaud |
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Wolf: Italienisches Liederbuch, Paris, 14. Februar 2018
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DAMRAU ET KAUFMANN CHANTENT L’ITALIENISCHES LIEDERBUCH DE WOLF
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Dans le cadre de leur tournée européenne, la soprano Diana Damrau et le ténor Jonas Kaufmann ont donné à la Philharmonie de Paris une interprétation de l’Italienisches Liederbuch d’Hugo Wolf en tous points irréprochable, s’inscrivant d’emblée dans la lignée de leurs plus illustres prédécesseurs, comme Dietrich Fischer-Dieskau et Elisabeth Schwarzkopf. |
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L’Italienisches Liederbuch est un
recueil de quarante-six lieder répartis en deux cahiers, composés lors de
trois périodes créatrices entre 1890 et 1896, et qui permettent un jeu
infini, jeu d’esprit, jeu d’alternance entre deux voix, jeu badin, jeu
coquin, jeu amoureux qui s’achève en un jeu plus inquiétant et parfois
interdit. La particularité de ces lieder est, en premier lieu, leur
brièveté, sorte de concentré de verbe et de musique, intimement liés, avec
un goût très prononcé pour la pointe, au sens rhétorique du terme, souvent
présente dans les épigrammes wolfiennes, rehaussées par le chant piquant du
piano : « Auch kleine Dinge können uns entzücken » (« les petites choses
aussi peuvent nous ravir »). Avec ce recueil, Hugo Wolf utilise pour la
première fois une source italienne, des poèmes populaires traduits par Paul
Heyse en 1860 découverts à l’occasion d’un voyage en Italie ; mais la
musique évacue pour l’essentiel la couleur locale, limitée à quelques
allusions : « Ihr seid die Allerschönste ». Le lied reste avant tout
l’expression, ici tardive, du romantisme allemand. Parmi le quarante-six
lieder qui constituent le cycle, dix-sept ont un locuteur masculin, dix-neuf
un locuteur féminin, et dix ne font pas la distinction. Toute liberté est
laissée aux interprètes dans le choix d’agencer les morceaux à leur guise.
Ce soir, Diana Damrau, dont la voix a pris quelque patine, et Jonas
Kaufmann au timbre ambré choisissent de diviser le recueil en quatre courtes
sections qui renforcent le relief du dialogue. D’abord amoureux, minaudant
ou enflammé : « Sterb’ch, so hüllt in Blumen meine Glieder », puis plus
enclin aux reproches et aux disputes, volontiers théâtral : « Mein Liebster
ist so klein », avec quelques évocations religieuses : « Gesegnet sei, den
durch die Welt entsund », ou plus souvent grivoises ou humoristiques : « Ich
esse nun mein Brot nicht trocken mehr », ce passionnant recueil s’achève sur
le pseudo-catalogue plein d’espièglerie d’un Leporello en jupons : « Ich hab
in Penna einen Liebsten wohnen ».
Si la qualité du chant est
irréprochable (diction, timbre, puissance, souplesse de la ligne, graves
profonds, aigus filés, pianissimi susurrés et envoûtants, fortissimi
foudroyants), le triomphe de ce récital tient également à l’accompagnement
superlatif d’Helmut Deutsch, au piano qui sait magnifier le verbe : « Wie
lange schon war immer mein Verlangen », ainsi qu’à l’engagement scénique des
deux interprètes qui font montre d’une indiscutable complicité dans ce jeu
de rôle où Jonas Kaufmann en séducteur irrésistible, fanfaron et hâbleur,
est souvent mis à mal par la coquette Diana Damrau qui n’hésite pas à faire
valoir ses charmes pour parvenir à ses fins…
Un récital plus théâtral
qu’émouvant qui restera dans les mémoires par la qualité de son
interprétation vocale. Une bien belle façon de chanter la Saint-Valentin…
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