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WebTheatre |
par Caroline Alexander |
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Wagner: Lohengrin, Paris, Opera Bastille, 18. Januar 2017
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Quand le Cygne du saint Graal débarque Jonas Kaufmann à l’Opéra Bastille…
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Il y avait longtemps que le cygne du saint Graal
n’avait plus accosté les rives de l’Opéra national de Paris. La dernière
fois remonte à 2007 avec la reprise d’une production qui avait déjà 11 ans
d’âge (voir WB 1166 du 25 mai 2007). Le légendaire volatile y largue enfin à
nouveau les amarres avec cette fois une réalisation signée Claus Guth créée
à la Scala de Milan il y a cinq ans. Et surtout il y débarque le plus
célèbre des ténorissimos d’aujourd’hui, Jonas Kaufmann, star adulée du
lyrique par des cohortes de fans à la manière des vedettes du music-hall.
Des problèmes de cordes vocales l’avaient forcé à garder le silence
durant plusieurs mois. Des annulations se sont enchaînées. Allait-il tenir
l’engagement Lohengrin qu’il avait si magnifiquement chanté à Milan ? Il l’a
tenu, impeccable, émouvant et a fait bien des heureux…
La mise en
scène de Claus Guth tourne le dos aux clichés. Il transpose l’action au
siècle de Wagner, comme Patrice Chéreau l’avait fait pour la première fois
avec son inoubliable Ring. Il met Lohengrin sous psychanalyse renvoyant au
subconscient le cygne et les attributs qui l’accompagnent. Des galeries
superposées, percées de portes et ceintes de couloirs servent de fond de
décor unique et permettent au chœur d’encadrer les actions en situation. Le
style et les costumes noirs et blancs évoquent une bourgeoisie aisée du
XIXème siècle allemand. L’espace central varie d’acte en acte, avec des
accessoires et mobiliers divers : pour le premier un arbre unique, pour le
dernier un marécage mangé de broussailles où les amoureux malheureux
noieront leur éphémère passion. Les symboles servent de guide au décryptage
: le cygne est représenté par un adolescent portant à bout de bras une aile
déployée, des enfants se meuvent en doubles d’Elsa et de son chevalier, un
piano s’insère dans chaque acte. Il finit renversé.
Chevalier paumé,
héros errant...
Pour Guth, Lohengrin, fils de Parsifal, expédié chez
les mortels – la gens ordinaire – pour sauver Elsa de Brabant accusée à tort
du meurtre de son frère, est en quelque sorte l’ombre ou le clone de ce
frère disparu. Chevalier paumé, héros errant mal dans sa peau, il s’éprend
d’Elsa et ne résiste pas à sa fatale demande d’identité… Kaufmann en fait un
vieil adolescent, un naïf au cœur trop grand, un voyageur sans autre bagage
que sa foi. Il le joue de bout en bout avec une grâce en point
d’interrogation, une fragilité parfaitement contrôlée. Il le chante tout en
retenue durant les deux premiers actes, économisant prudemment la projection
de sa voix qui soudain paraît pâle surtout lorsqu’elle se trouve associée
dans une même scène à celle, lumineuse, éclatante de haine de Tomasz
Konieczny, le virulent interprète de Telramund. On frôle la déception.
Finesse, justesse restent cependant au rendez-vous.
Enfin arrive
l’acte trois, celui où Lohengrin enfin s’exprime, et Kaufmann, comme sous le
coup d’une baguette magique, retrouve toute la palette des couleurs et des
velours qui jusqu’ici ont fait sa gloire. Quand s’élève le très attendu « In
fernem Land », le cristal de sa voix, sa douceur et sa mélancolie en
demi-teintes suspendent les respirations dans la salle. L’homme et sa voix
restent exceptionnels. Martina Serafin, longue robe blanche et blonde
chevelure dénouée est une Elsa à la voix claire mais à la présence rien
absente. Ortrud, la perverse, la conspiratrice trouve en Evelyn Herlitzius
la parfaite réplique d’un être sans foi ni loi, au jeu rageur et au timbre
éclatant de violence. René Pape a conservé intacts ses graves pour doter de
noblesse et d’autorité Heinrich, le royal oiseleur.
Mais c’est de la
fosse que monte toute la magie de la musique de Wagner. Philippe Jordan en
est le mandataire attentif, laissant l’orchestre respirer large, passer sans
précipitation de la tendresse à la haine, et, suspendre le temps en silences
éloquents. Il est la clé et l’âme de cette belle production importée
d’Italie.
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