Les Echos, Le 11/10/2017
Philippe Venturini
 
 
Verdi: Don Carlos, Paris, 10. Oktober 2017
 
Scène banale, chant royal pour «Don Carlos» à l’Opéra de Paris
L’Opéra de Paris réunit une distribution de très grand luxe pour la version française de l’opéra de Verdi. Cette pléiade de stars doit malheureusement s’accommoder d’une mise en scène sans panache ni idée de Krzysztof Warlikowski.

Le royaume d'Espagne est en pleine ébullition. Pas parce que Carles Puigdemont réclame l'indépendance de la Catalogne, mais parce que, il y a cinq siècles, Philippe II et son fils Don Carlos se disputent le coeur d'Elisabeth de Valois, fille d'Henri II et de Catherine de Médicis. Parallèlement, l'Infant, soutenu par son ami Rodrigue, soutient la cause des Flandres, incorporées dans le vaste royaume, mais de religion protestante. La princesse Eboli, dame d'honneur d'Elisabeth, aime le fils, mais a été la maîtresse du père. La confrontation familiale, l'amitié, la religion, la jalousie, le pouvoir : l'opéra de Verdi, inspiré d'une pièce de Schiller, explore de nombreux horizons susceptibles d'éveiller l'imagination d'un metteur en scène. Il n'a manifestement pas inspiré Krzysztof Warlikowski, qui se contente d'une paresseuse mise en espace. Il n'y a aucune provocation dans cette transposition dans un XXe siècle indéterminé (costumes des années 1940 et contemporains se côtoient) et on s'étonne de la réaction houleuse du public de la première. Pas de quoi s'indigner, mais de quoi s'ennuyer (4 h 00 de musique, tout de même) face à cette absence de prise de position et regretter que l'événement lyrique de la saison soit traité avec autant d'indifférence.

Version française

Evénement parce que l'Opéra de Paris présente la rare version originale, en français (« Don Carlos » deviendra « Don Carlo » en italien), créée à Paris en 1867 et a réuni pour l'occasion une distribution de luxe. De luxe mais internationale, donc pas ou peu francophone - le recours au surtitre est souvent indispensable. Dommage. Mais, soyons justes, le plateau réserve un beau festival vocal. On retiendra en premier le Rodrigue de Ludovic Tézier, superbe de ligne, nourrissant son chant de subtiles nuances, exemplaire de diction et composant un personnage ambigu. Elina Garanca fait également montre d'une étourdissante splendeur lyrique et d'intensité dramatique mais sa princesse Eboli avale toutes ses consonnes. Sonya Yoncheva révèle avec subtilité les douleurs d'Elisabeth, partagée entre ses sentiments et ses royales obligations, dans un chant ductile aux sombres inflexions.

Jonas Kaufmann interprète un Don Carlos passionné et décidé, dans un bon français, mais sa voix n'a peut-être plus l'éclat juvénile que réclame le rôle. Il affronte le Philippe II granitique et imposant d'Ildar Abdrazakov. Philippe Jordan dirige avec le soin apporté aux détails et à la beauté des couleurs qu'on lui connaît un orchestre et des choeurs superbes mais n'entretient pas assez les flammes de ce drame qui consume impitoyablement ses acteurs.






 
 
  www.jkaufmann.info back top