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Diapason, 06/06/2016 |
Par Emmanuel Dupuy |
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Wagner: Die Meistersinger von Nürnberg, Bayerische Staatsoper, 4. Juni 2016
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Jonas Kaufmann maître chanteur
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Victoire - prévisible - à domicile pour Jonas Kaufmann. Le ténorissimo
chante Walther des Maîtres chanteurs, chez lui, à Munich. Un rôle qu'il a
jusqu'à présent peu fréquenté : on s'en étonne tant il tombe sans un pli sur
son lyrisme radieux. Le timbre aux reflets cuivrés, désormais légendaire,
fait à chaque instant merveille, comme allégé par les élans de jeune chien
fou du personnage. « Morgenlich », un soleil se lève, miracle de ductilité
et de poésie mêlées. Même l'élégance de l'incarnation est préservée, malgré
la dégaine de pop star en baskets que lui a taillée le metteur en scène.
Car David Bösch, évidemment actualise l'ouvrage. Dans un décor de cité
crasseuse, les apprentis boivent du coca et se trémoussent comme s'ils
étaient en boite de nuit. L'atelier de Sachs est un vieux fourgon Citroën,
Beckmesser se flingue à l'issue d'un concours de chant qui ressemble à un
célèbre télé-crochet. Le tout à l'avenant, agrémenté de vidéos bécasses qui
achèvent de tirer la farce vers le graveleux. Les caractères survivent,
certes, mais davantage par le métier des interprètes que grâce à une
direction d'acteurs sans imagination. Il n'y a décidément rien à sauver de
ce triste ravaudage.
Il y a en revanche tout à sauver dans la
distribution, même s'il manque à Wolfgang Koch une once de grave, d'ampleur,
et par conséquent du charisme débonnaire, qui font les très grands Sachs -
mais le musicien est irréprochable, son endurance à toute épreuve. Eva au
caractère bien trempé et aux phrasés onctueux (Sara Jakubiak) ; Beckmesser
superlatif, drapé dans les grâces d'un baryton carnassier (Markus Eiche) ;
David comme il se doit déluré et à la projection insolente (Benjamin Bruns)
; Lene pulpeuse et amicale (Okka von der Damerau) ; Pogner colossal, au
légato de violoncelle (Christoph Fischesser).
A l'applaudimètre, le
plus fracassant triomphe sera pour le chef - ce qui, à un tel degré,
n'arrive jamais chez nous. Il faut dire que la prouesse est impressionnante,
aussi physique qu'artistique : trois longs actes durant, Kirill Petrenko met
dans son geste une suractivité permanente qui évoque irrésistiblement la
manière d'un Carlos Kleiber. Dès le Prélude, le futur directeur musical du
Philharmonique de Berlin fait ronfler les basses, à jeu égal avec les
violons, en une joute inédite qui annonce celles de la comédie à venir.
L'orchestre du Staatsoper se couvre de gloire, aussi somptueux par ses
couleurs individuelles que par celle de l'ensemble, uni comme un seul homme.
Tout avance, rien ne pèse, chaque mesure palpite d'une énergie organique
inépuisable, la souplesse et la vitalité du moindre accent épousant les voix
autant qu'elles les portent. Ce soir, un maître chanteur est au pupitre.
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