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Opera Online, 30 mai 2016 |
Helmut Pitsch |
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Wagner: Die Meistersinger von Nürnberg, Bayerische Staatsoper, Mai 2016
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Die Meistersinger von Nürnberg à Munich : prise de rôle de Jonas Kaufmann
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C’est la cinquième mise en scène de David Bösch à l’Opéra d’Etat de Bavière
et cette nouvelle création s’inscrit manifestement dans la lignée de son
travail précédent avec le scénographe Patrick Bannwart. L’ensemble de la
trame est ici située dans un univers sombre et miséreux, quasi
apocalyptique, qui pourrait rappeler la fin des années 1970 – notamment du
fait des costumes de Meentje Nielsen. La ville de Nuremberg se prépare à
accueillir les prestigieux événements de Johannisnacht, sa grande fête
populaire annuelle notamment animée par sa compétition des Maîtres
chanteurs.
Incontestablement la star de la soirée, le Munichois Jonas
Kaufmann dont on attendait de longue date qu’il endosse pour la première
fois le rôle de Walter von Stolzing apparait sur scène en jeans, t-shirts et
blouson de cuir, tout de noir vêtu, arborant casque audio, guitare et sac de
voyage : une allure de jeune voyageur, plutôt cool, en plein périple à
travers le monde. Quand Eva traverse élégamment la scène alors qu’elle se
rend à un service religieux, au milieu d’une procession, l’histoire d’amour
qui unit les deux personnages peut commencer. On la découvre sous les traits
d’une jeune femme émancipée, issue d’une riche famille et dont le père, Veit
Pogner, est un entrepreneur dandy et fortuné, qui sponsorise les festivités
à venir et, en guise de prix, offre la main de sa fille unique au vainqueur
du tournoi de chant.
Dès lors, pour emporter le cœur sa très récente
bien-aimée, Walter débute derechef sa carrière de Maître chanteur. On le
retrouve dans la scène suivante sur une simple estrade de bois en plein air,
manifestement en pleine répétition, en attendant le début de la compétition
prévue le lendemain et au milieu d’échafaudages métalliques en guise de
tribunes qui accueilleront le public.
David Bösch dépeint brillamment
le choc des générations, les comportements sociaux, la place des traditions
face à la volonté de révolte notamment grâce à la définition et à la
conception de l’ensemble des participants. Dans son costume brun, le
personnage de Sixtus Beckmesser (Markus Eiche) parvient parfaitement à
retranscrire les deux pans de sa personnalité, à la fois défenseur des
valeurs traditionnelles et fier combattant pour la main d’Eva. Les chaises
des chanteurs ont par ailleurs des allures de chaise électrique, comme pour
symboliser la brutalité du pouvoir du système et des sociétés
traditionnelles sur les non-conformistes – Walter en est un exemple patent.
À mi-chemin entre les deux clans, Hans Sachs apparait comme une figure plus
tempérée, douce, voire paternelle. Bienveillant et plein d’esprit, il aidera
le jeune héros à gagner la main de son Eva, mais aussi les cœurs de
l’auditoire.
Fort d’un traitement plutôt intelligent du deuxième
acte, la mise en scène révèle un Hans Sachs gérant ses affaires dans une
camionnette Citroën. Ce sens du détail (particulièrement bien conçu) et la
sensibilité de la direction de l’ensemble des éléments qui apparaissent sur
scène concourent à produire une soirée très divertissante, portée par une
transposition moderne convaincante de ce gigantesque opus de Wagner. La
scène finale prend ainsi des allures de show multimédia, manifestement
inspiré des formats modernes des grands concours de chant comme
l’Eurovision, rebaptisé ici Pognervision : les jeux de lumière et les
installations vidéo accompagnent la présentation des stars, le chœur est
installé tout autour de la scène du concours, et Walter gagne à la fois la
main d’Eva et une énorme coupe en or, mais refuse le titre de maître et de
s’inscrire dans la tradition. Il prendra finalement la main d’Eva, sa
guitare et son sac, et ensemble, ils quitteront la scène sans regarder en
arrière, marchant vers leur avenir.
La dimension musicale de la
soirée est exceptionnelle grâce au directeur artistique de Munich, Kirill
Petrenko. Une fois de plus, il démontre son talent pour l’interprétation
wagnérienne et sa maîtrise des partitions les plus imposantes. Sa direction
est à la fois vivante, particulièrement vive en termes de vitesse, précise
et exacte dans l’intonation de la phalange, pleine et parfaitement
équilibrée sur un plan sonore. Point de surcharge ni d’exagération dans le
volume, mais un réel enthousiasme et une concentration positive dans
l’interprétation. Chaque détail est audible mais les voix priment toujours.
Tous les chanteurs, tout comme le chœur de l’Opéra d’Etat de Bavière (ici
particulièrement bien préparé) assurent pleinement leur partition sans la
moindre faiblesse.
Le Munichois Jonas Kaufmann est acclamé par le
public, attirant la plupart des applaudissements pour son Walter (une
nouvelle prise de rôle) à la fois lyrique et puissant. Le ténor semble avoir
pleinement retrouvé sa voix après quelques mois de pause (et quelques
annulations), marqué par un timbre aussi sombre que chaud. Il fait toujours
montre d’autant d’agilité dans ses modulations, son ton est toujours aussi
assuré et son articulation est parfaitement compréhensible. Wolfgang Koch a
le volume et la puissance que réclame le rôle exigeant de Hans Sachs. Grand
et imposant par sa stature, il domine l’action et son talent d’acteur est
toujours aussi notable. Markus Eiche est aussi solide dans le jeu que dans
le chant. Sur un plan lyrique, son Beckmesser se révèle particulièrement
riche et coloré, souligné par la finesse de son interprétation et son sens
de l’humour. La soprano Sara Jakubiak affiche des accents dramatiques, se
montrant particulièrement déterminée dans l’interprétation du rôle d’Eva. On
retient également la très belle performance de Benjamin Bruns dans le rôle
de David, endossant ici une position plus centrale qu’à l’accoutumé et
encline à amuser le public. Unanimement saluée, la production dans son
ensemble apparait à la fois rafraichissante et intelligente, expurgée de ses
dimensions politiques ou nationalistes, pour finalement accueillir les longs
et enthousiastes applaudissements du public.
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