Resmusica, 15 décembre 2015
par Catherine Scholler
 
Berlioz: La damnation de Faust, Paris, Opera Bastille, 8. Dezember 2015
 
Une Damnation de Faust très controversée à l’Opéra Bastille
 On avoue que les rumeurs de la bronca qui avait accueilli la générale et la première de cette Damnation de Faust avaient refroidi notre ardeur à y assister. On a, malgré tout, passé une plutôt bonne soirée.

L’idée de base du metteur en scène Alvis Hermanis, est que le scientifique Stephen Hawking, totalement paralysé à la suite d’une maladie neurodégénérative, et dont le rêve est de quitter la terre pour coloniser de nouvelles planètes afin de sauver l’humanité, est le Faust du XXIe siècle. Pour illustrer son propos, il fait appel au danseur fétiche de Pina Bausch, Dominique Mercy, omniprésent dans un fauteuil roulant. On y a vu, pour notre part, la représentation du Faust vieilli, que son jeune double contemple, et que Marguerite caresse, en soupirant « il ne vient pas, hélas », En fond de scène, les vidéos de Katrina Neiburga, projetées sur des cages en plexiglas, se réfèrent à tout ce qui peut constituer l’idée de nature : coquelicots, champs de blé, baleines, spermatozoïdes, fœtus… ça ressemble à un documentaire façon Microcosmos, mais c’est joli à regarder.

Il faut convenir que malgré l’indignation d’une grande partie du public, on a déjà vu plus laid, plus grotesque et plus hors de propos à l’Opéra de Paris. Cette production a au moins le mérite d’être esthétique, avec de belles images, et des chorégraphies presque toujours intéressantes. Le problème principal est que Alvis Hermanis peine à démontrer son propos, ne racontant ni l’histoire de Faust, ni celle de Stephen Hawking. Les chanteurs sont abandonnés à eux-mêmes, les chœurs sont rangés en rang d’oignon en fond de scène, laissant le soin d’animer le spectacle aux danseurs, à la vidéo, et aux sensationnelles lumières. Mais quelques situations sont vraiment marquantes, comme la rédemption finale du personnage principal, enfin arrivé sur Mars, qui recouvre ses fonctions vitales en apesanteur. Les esprits chagrin rétorqueront que cette dernière scène est celle de l’apothéose de Marguerite, ici totalement absente, mais cette vision est vraiment pleine de grâce et de poésie.

Tout ne fonctionne pas toujours bien ; le deuxième acte en particulier, alors que les chorégraphies deviennent carrément épileptiques, est d’un insondable ennui, ce qui déclenche les huées, qui visent particulièrement le chef, Philippe Jordan. Il faut dire que jusque là, sa direction, très propre, manquait de couleur, de passion, de romantisme, et que les chœurs ne faisaient pas preuve d’unité. Jonas Kaufmann lui même, exemplaire de ligne, de phrasé et de musicalité, semblait mal à l’aise, sur la réserve.

Le miracle se produit à l’entrée en scène de Marguerite, magnifique Sophie Koch, qui en quelques notes, rétablit l’émotion. Son interprétation, toute de pudeur et de passion, semble rendre la motivation à l’équipe (il faut préciser que dès la deuxième représentation, la vidéo d’escargots en train de copuler, qui avait déclenché l’hilarité générale à cet instant, a été retirée, ce qui a dû leur procurer un vif soulagement). L’orchestre retrouve flamme et couleurs, Jonas Kaufmann nous gratifie d’aigus mixés d’une maîtrise parfaite, et d’une « Nature immense » d’anthologie. Rien que pour cela, la soirée valait le déplacement.

La rencontre du ténor avec Bryn Terfel, c’est un peu l’union de la carpe et du lapin (on reste dans les métaphores naturalistes !) Le baryton délivre un Méphistophélès hâbleur, malin, un tantinet de mauvais goût, et sans beaucoup d’élégance. Solides seconds rôles de Sophie Claisse et Edwin Crossley-Mercer.






 
 
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