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Les Echos, 10/12/2015 |
Philippe Venturini |
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Berlioz: La damnation de Faust, Paris, Opera Bastille, 8. Dezember 2015
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« La Damnation de Faust » : 2025, l'odyssée de l'espèce
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Le parti pris singulier du metteur en scène de « La Damnation de Faust » de
Berlioz, actuellement à l'affiche de l'Opéra Bastille, est résumé dans le
programme : « Alvis Hermanis a cherché une figure contemporaine en laquelle
il pourrait transposer ce mythe et lui donner un corps. Il l'a trouvée en
Stephen Hawking, scientifique de génie en lequel il a vu "un Faust du XXIe
siècle" ». Le spectacle commence par les prédictions dudit scientifique et
son appel à aller conquérir de nouveaux espaces pour assurer la survie de
l'espèce humaine. Le voyage vers Mars à partir de 2025 qu'imagine Hawking,
cloué sur son fauteuil roulant, se veut la traduction contemporaine de
l'expérience faustienne, la dérive d'un médecin suicidaire sous l'emprise
d'un envoyé du diable.
N'en déplaise à ceux, nombreux, qui ont hué le
metteur en scène, l'idée n'est pas saugrenue. Mais Alvis Hermanis n'a pas su
la mettre en forme. Au lieu de développer et d'argumenter sa pensée, il se
contente de l'illustrer. Confiant aux décors et aux projections vidéo
l'essentiel du message, il abandonne les chanteurs sur le vaste plateau de
Bastille. Pour exalter d'une façon sensible les richesses de la Terre et de
l'espace, Hermanis enchaîne des images de la Nasa ou du film « Microcosmos »
(la vie des insectes à la loupe) d'une beauté à couper le souffle. Mais des
nuages d'étoiles, la grâce aérienne de milliers de méduses ou l'accouplement
des escargots ne sauraient garantir la tenue dramatique d'un récit au livret
passablement lâche. Alors, pour habiter le temps, le metteur en scène fait
défiler des cages en verre dans lesquelles gesticulent des humains devenus
rats de laboratoire ou recourt à une chorégraphie d'une insigne laideur
signée Katrina Nelburga. Hermanis se trouve ainsi pris à son propre piège,
égaré dans l'espace, prisonnier du vide sidéral.
Distribution
prestigieuse
Sa faute impardonnable reste de ne pas profiter
d'une distribution prestigieuse, qui compte au moins deux chanteurs parmi
les plus doués et les plus demandés. Bryn Terfel, comme toujours formidable
de charisme, promène sans trop y croire son Méphistophélès et Jonas
Kaufmann, malgré la sombre intensité de son timbre, semble absent. Sophie
Koch, en petite forme (trous dans la voix), mâchonne son français tout comme
le choeur de l'Opéra national de Paris (coupable d'un sérieux manque
d'homogénéité).
Ce spectacle inaugure une série Berlioz. Philippe
Jordan sera-t-il son héraut le plus zélé ? On en doute, après cette «
Damnation de Faust » sans panache (« La Marche hongroise ») ni folie (« La
Course à l'abîme »), trop uniformément bien sonnante.
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