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La Libre, 12 juillet 2015 |
Martine D. Mergeay |
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Bizét: Carmen, Chorégies d'Orange, 8. Juli 2015
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Carmen et José, un si beau couple…
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Si le mistral était violent le soir de la première, il fut bien le seul…
Tous semblaient s’être donné le mot pour placer cette "Carmen" tant attendue
sous le signe de l’intériorité, du statisme, de la douceur. Avec des moments
magiques, certes, mais aussi des pannes et un global affadissement du drame
que le public des Chorégies d’Orange ne manqua pas de sanctionner au moment
des saluts.
Le Français Louis Désiré, qui signe la mise en scène, a
conquis l’opéra à travers son expérience de designer - décor et costumes -
et le fait savoir : anticipant la malédiction des cartes que l’on découvrira
au troisième acte, il a rempli l’espace de la scène du théâtre antique de
cartes immenses, ternes, difficiles à éclairer, et périlleuses à fréquenter.
Ce sera à peu près le seul "geste" visuel de la mise en scène, complété par
des costumes stylisés, tuniques rouges ou orangées pour les femmes, parfois
recouvertes d’un tablier noir (blanc pour Carmen), uniformes militaires
noirs doublés de jaune pour les hommes. Les enfants (excellente Maîtrise des
Bouches du Rhône) jouissant de plus de liberté vestimentaire…
Distribution de rêve
La direction des foules sera tout aussi stylisée
: la garde montante (ou descendante), la bagarre des cigarières, la danse
chez Lillas Pastia, ou l’arrivée aux courses de Tolède n’entraîneront que
des déplacements globaux, plus ou moins agités, et les chœurs seront chantés
en rangs d’oignons ou en pelotons.
Par contre, le jeu des mimiques et
des regards (invisibles à partir du 10e rang) seront particulièrement
investis, soulignés par des pinceaux de lumière, et offrant soudain un
intimisme frémissant au sein des masses indifférenciées. Un parti théâtral
inadapté aux lieux mais qui fut à l’origine, le soir de la première, de
quelques moments magiques, porté par des interprètes exceptionnels.
Avec des chanteurs comme Kate Aldrich (Carmen) et Jonas Kaufmann (Don José),
tout est possible : ils sont beaux et crédibles, ce sont de magnifiques
comédiens, et si la voix de la mezzo britannique manque de mordant (perdu
dans le mistral), celle du ténor allemand - chaude, puissante mais pouvant
se faire toute fine grâce à une magnifique projection - est de celles qui
rendent à Don José la grandeur et l’humanité du personnage de Prosper
Mérimée : ovation interminable après l’air du 2e acte, et finale
bouleversant.
Tempos suspendus et nuances sublimes
L’Américain
Kyle Ketelsen est un Escamillo fringant et spirituel (un exploit), Inva Mula
(Micaela), un peu convenue, fait valoir une voix brillante et des aigus
sûrs, Hélène Guilmette (Frasquita) et Marie Karall (Mercédès) pétillent dans
les ensembles, de même que Jean Teitgen (Zuniga), Olivier Grand (le
Dancaïre) et Florian Laconi (le Remendado).
Quant à Mikko Franck,
placé à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France (dont il
reprend la direction en septembre prochain), il osa, le soir de la première,
des tempos suspendus et des nuances sublimes (même si ce ne fut pas du goût
de tout le monde), en phase avec l’intériorité générale de cette production
hors normes. A suivre ce samedi sur France 3 !
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