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Forum Opera |
Par Christophe Rizoud |
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Strauss: Ariadne auf Naxos, Bayerische Staatsoper München, Gastspiel, Paris, TCE, 12. Oktober 2015
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Ariadne auf Naxos - Paris (TCE)
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N'en déplaise aux fans de Jonas Kaufmann, si Ariadne auf Naxos porte le nom
de son héroïne et non de son héros, ce n'est pas un hasard. Exception faite
de quelques courtes phrases dans le prologue ajouté en 1916, Bacchus
n'apparaît qu'à la fin de l'opéra en un long duo, souvent donné en raison de
son écriture ingrate comme preuve de l'aversion de Richard Strauss pour les
ténors. Avant que ne vienne le « nouveau dieu », il faut donc traverser les
deux tiers de l'acte et surtout ce prologue dominé par le personnage du
compositeur, rôle à la tessiture ambiguë – mezzo-soprano ? soprano
dramatique ou lyrique ? –, considéré souvent comme le véritable protagoniste
de l'opéra, en tout cas le plus émouvant à condition de l'aborder avec toute
la fraîcheur et la spontanéité requises. Tel n’est pas, dans cette version
de concert importée de Munich par le Théâtre des Champs Elysées, le parti
choisi par Alice Coote, tiraillée vocalement entre ses différents registres,
acculée dans ses limites aiguës, arc-boutée sur une composition querelleuse,
pas même enfant gâtée mais mégère mal apprivoisée. S’il faut une comparaison
straussienne, ce n’est pas la silhouette d’Oktavian (Der Rosenkavalier) que
l’on devine derrière ces phrases heurtées et ces cris de colère, mais
davantage La Teinturière dans La Femme sans ombre. En majordome (rôle
parlé), Johannes Klama jappe ses ordres. Le maître de ballet (Kevin Conners)
s'étrangle. La Prima Donna d'Amber Wagner se présente moins diva capricieuse
que tenancière de tripot. Un cran en dessous de ses partenaires en termes de
projection, Zerbinette (Brenda Rae) essaie de se faire entendre. Jonas
Kaufmann ne fait donc que traverser la scène. A en croire les petits rires
qui secouent sporadiquement la salle, une partie du public découvre l'œuvre.
Il faut tout le soin porté au texte par le maître de musique de Markus Eiche
et la baguette arachnéenne de Kirill Petrenko pour prendre son mal en
patience.
La situation s'améliore nettement après l'entracte. La
direction d'orchestre demeure remarquable, plus analytique que lyrique – et
en ce sens, on peut rester sur sa faim – mais le degré de transparence
atteint ouvre des perspectives vertigineuses. Amber Wagner s'empare du rôle
d'Ariane d'une voix dont elle peut enfin exposer l'opulence, dans une
approche sans doute très différente de ce qu'aurait proposé Anja Harteros
(qu'elle a été appelée à remplacer il y a un mois), davantage wagnérienne
compte tenu de l'ampleur du chant, impressionnante par le volume et par le
rayonnement d'un aigu dont la soprano américaine sait doser l'intensité.
Tout n'est pas gagné cependant. Le trio des nymphes sur lequel Anna
Virovlansky (Echo) verse un filet de vinaigre cherche son point de fusion.
Mené par l'Arlequin mal assuré d'Elliot Madore, le quatuor des comédiens
danse sur un pied trop léger que l'arrivée de Zerbinette ne parvient pas à
raffermir. Il faut les hautes voltiges de son numéro de chant pour que
Brenda Rae rafle la mise. Et comment ! Autant la voix avait paru jusque-là
en retrait, autant elle sidère par la précision des figures virtuoses
dessinées d'une pointe fine. La salle se répand en applaudissements et
lorsque Jonas Kaufmann enfin paraît, il ne lui reste plus qu'à transformer
l'essai. Le rôle de Bacchus, on l'a dit, est ingrat. Le ténor le connaît
pour l'avoir déjà interprété. Il en déjoue les pièges, surmonte les tensions
d'un timbre toujours sombre et ardent pour apporter au texte les nuances
nécessaires dès que l'écriture le lui permet. Et quand bien même on le sent
parfois en danger, le magnétisme de sa présence suffit à rassurer. Sans
toucher au triomphe, c'est un nouveau succès à porter au crédit du chanteur
le plus adulé de la planète lyrique. Retransmission de cette Ariane à Naxos
le vendredi 23 octobre 2015 sur le site du Bayerische Staatsoper, en version
scénique mais sans Jonas Kaufmann. |
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