Anaclase
par laurent bergnach
 
Wagner: Parsifal, Metropolitan Opera, März 2013 (Live in HD)
 
Parsifal | Perceval
En ce qui concerne la « vieille querelle bayreuthienne au sujet des applaudissements » – un des nombreux sujets qu’aborde Christophe Looten en fouillant dans les textes écrits de la main même d’un génie (Dans la tête de Richard Wagner, Fayard) –, c’est une fois de plus le journal de Cosima qui nous renseigne. Lors de la création de Parsifal sur la Colline verte, le 26 juillet 1882, elle signale les nombreux rappels qui résonnent dans la salle à l’issue du deuxième acte. « R. se penche au balcon et dit que les applaudissements lui sont certes très agréables à lui et aux artistes, mais que tout le monde s’est mis d’accord pour que le public ne manifeste pas sa joie afin de ne pas détruire l’impression faite par l’œuvre. » Le message est mal compris, si bien que le public demeure muet à la fin de l’ouvrage. Irrité, le compositeur finit par monter sur scène sous les acclamations et « explique qu’il aurait bien voulu réunir ses artistes autour de lui mais qu’ils sont tous en train de se changer ».

Avec cette représentation du Metropolitan Opera (New York), le spectateur européen ne risque pas de manquer les protagonistes puisque les entractes sont l’occasion d’un petit entretien avec certains chanteurs, le chef et le metteur en scène – en guest-star, Eva-Maria Westbroek vient même présenter Francesca da Rimini, l’opéra de Zandonai qu’elle interprète le 16 mars prochain (à 17h pour les Parisiens). Voir arriver Peter Mattei décontracté, avec sa blessure au flanc, et l’entendre insinuer, non sans humour, qu’il dort durant l’acte médian pour conserver son intensité au personnage d’Amfortas, atténue quelque peu l’aura sacrée qui entoure traditionnellement le testament musical du créateur du Ring, au profit de la seule émotion esthétique !

C’est sur une terre desséchée parcourue par un maigre ruisselet, surplombée par les vues panoramiques et cosmogoniques de Peter Flaherty (course de nuages, aurores boréales, planètes), que le Canadien François Girard choisit d’installer les membres de la confrérie du Graal – on a pu découvrir sa vision du festival scénique sacré à Lyon [lire notre chronique du 23 mars 2012], ville où il avait déjà présenté Der Lindberghflug et Die sieben Todsünden (Weill). En chemise blanche, débarrassés de leur montre, les choristes assis en cercle célèbrent un rituel quasi constant, auquel fait écho les mouvements d’automate des filles-fleurs alignées, créatures inquiétantes dont la longue chevelure cache le visage – nous remettant à l’esprit un célèbre film d’horreur japonais, d’autant qu’il y volonté de réunir des traits asiatiques. Le passage chez Klingsor est donc inquiétant à souhait, et bien tentant le lit que Kundry propose de partager. On peine à trouver un reproche à ce beau travail.

Côté voix, le public est également gâté. Dans le rôle-titre, comme tout dernièrement dans Königskinder [lire notre critique du DVD], Jonas Kaufmann offre force et douceur. René Pape (Gurnemanz), tout en rondeur et puissance, paraît de plus en plus investi. Katarina Dalayman (Kundry) compose un personnage trop extérieur dans un premier temps, mais au chant très nuancé ; le deuxième acte lui laisse plus de possibilités émotionnelles – on dira de même de Daniele Gatti à la tête de l’orchestre maison, assez prudent pour commencer, à la limite de déstructurer les phrases. La vaillance et la fermeté caractérisent Peter Mattei (Amfortas). Avec sa caricature de méchant et ses notes perfectibles dans l’aigu, Evgueni Nikitin (Klingsor) n’est pas totalement au diapason de ses camarades.






 
 
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