Concertonet, 5. Oktober 2013
Claudio Poloni
 
Puccini: La fanciulla de West, Wiener Staatsoper, 5. Oktober 2013
 
Il était deux voix dans l’Ouest
Puccini le considérait comme son opéra le plus abouti, et pourtant La Fanciulla del West n’a jamais vraiment réussi à se forger une place durable au répertoire des théâtres lyriques. La faute peut-être à l’absence de grands airs enivrants comme on les trouve dans La Bohème, Tosca ou Butterfly. Ainsi, à Vienne, l’ouvrage a été représenté pour la dernière fois en 1988, avec Mara Zampieri et Plácido Domingo dans les rôles principaux. A l’instigation de son directeur musical, Franz Welser-Möst, le Staatsoper a décidé de lui donner la chance d’une nouvelle production, avec à nouveau un couple de stars : Nina Stemme et Jonas Kaufmann. Un coup de poker gagnant, qui est l’atout majeur du spectacle.

Minnie, l’héroïne de l’opéra, est un rôle en or pour tout soprano, un magnifique portrait de femme qui permet à son interprète de passer par la gamme entière des émotions, tour à tour maternelle, protectrice, autoritaire, amoureuse et passionnée. Avec sa voix immense et sa projection hors du commun, Nina Stemme excelle dans les passages dramatiques, lorsqu’elle doit se montrer forte ou survoltée. Et même si la chanteuse se révèle moins convaincante dans les pages lyriques, avec un timbre qui manque quelque peu de rondeur et de chaleur, elle n’en compose pas moins un personnage attachant. Dommage qu’elle soit desservie, visuellement parlant, par des costumes qui ne la mettent pas du tout en valeur, un bleu de travail et une chemise de bûcheron au premier acte puis un manteau rouge assorti à sa chevelure rousse (!), qui lui donne l’air d’un diablotin. Pour sa prise de rôle en Dick Johnson (et, accessoirement, sa première nouvelle production à l’Opéra de Vienne), Jonas Kaufmann incarne un bandit passionné et ardent, avec de belles nuances dans la voix. Son « Ch’ella mi creda libero » final est tout simplement irrésistible, Shérif trop unidimensionnel, Tomasz Konieczny a de surcroît une voix engorgée qui ne le prédestine pas au répertoire italien. Les membres de la troupe de l’Opéra de Vienne qui interprètent les rôles secondaires mériteraient tous d’être cités nommément.

Dans une interview, Franz Welser-Möst a déclaré qu’il voyait dans la partition de La Fanciulla des similitudes avec la musique de Debussy. Et il est vrai que le chef autrichien sait tirer de l’orchestre des clartés transparentes et des sonorités impressionnistes, subtiles et délicates, même si, dans les éclats dramatiques, il privilégie la force et les décibels, parfois au détriment des chanteurs. A noter que la célèbre scène du poker est particulièrement haletante. Le Suisse Marco Arturo Marelli évite le kitsch du Far West et de la ruée vers l’or pour transposer l’action dans un village de mineurs perdu dans la montagne. Dans cet univers clos, sombre et gris, la solitude et la tristesse sont bien présents et les rapports sociaux souvent violents. La direction d’acteurs est particulièrement aboutie, avec une fine caractérisation de chaque personnage. La fin du spectacle prête cependant à sourire, Minnie et Johnson prenant le chemin de l’exil sur une montgolfière aux couleurs de l’arc-en-ciel. A moins qu’il ne s’agisse d’un clin d’œil appuyé au « happy end » tant chéri des Américains ?









 
 
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