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Forum Opera, 08/22/12 |
par Jean-Marcel Humbert |
Schubert: Winterreise, München, Nationaltheater, 18. Juli 2012
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Kaufmann vaut bien le voyage
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Quand on pense au Voyage d’hiver, on pense
instantanément à Fischer-Dieskau et à ses enregistrements accompagnés par
Gerald Moore. Mais il ne faut pas oublier que le cycle a été écrit pour
ténor, et que les plus grands s’y sont illustrés, Peter Anders, Peter Pears
(accompagné par Benjamin Britten), Peter Schreier, Christoph Prégardien, Ian
Bostridge, Mark Padmore, et même Jon Vickers. C’est dire que, dans cette
tessiture, sans être très nombreuses, les références sont de haute qualité.
Jonas Kaufmann chante le Winterreise depuis plusieurs années, et il a
gagné en profondeur et en réflexion ce qu’il a perdu de fraîcheur juvénile.
Il sait utiliser avec art toutes les demi-teintes du timbre de sa voix de
ténor barytonnant, parfaitement adaptée à l’œuvre, d’autant qu’il allège au
maximum les aigus sans que la ligne de chant en soit affectée. On relève
simplement que le début, malgré un magnifique « Gute Nacht », reste un peu
crispé, rendant la voix un peu métallique (mais il faut dire que l’on a
rarement entendu une salle – maintenue dans une semi pénombre – aussi
bruyante entre chaque lied, toux, programmes tombant, sièges claquant…). Ce
n’est qu’à partir d’un magnifique « Die Post » que Jonas semble se libérer
vraiment et exprimer un maximum d’émotion.
Au total, on ne peut que
reprendre une longue litanie de superlatifs admiratifs rejoignant ceux
saluant quelques uns de ses précédents récitals : puissance de la
concentration et sens du contact avec le public, charmeur au point que l’on
a l’impression, dans cette vaste salle, qu’il chante pour vous seul ;
articulation parfaite et grande intelligence du texte, expression variant du
plus tragique au plus éthéré grâce à un art raffiné et parfaitement maîtrisé
des nuances, aussi à l’aise dans les forte que dans les pianissimi ; jeu
théâtral sans excès, avec des moments singulièrement tragiques (« Einsamkeit
») ou de grande émotion (« Der greise Kopf »). On y ajoutera la puissance
vocale particulièrement bien adaptée à la vaste salle munichoise.
L’interprétation particulièrement belle de certaines mélodies est à
souligner : « Der Lindenbaum » avec une grande variété de couleur vocale
adaptée au texte ; « Auf dem Flusse », où la ligne de chant coule avec une
parfaite fluidité ; « Irrlicht » où, sous couvert d‘une fausse
décontraction, il raconte avec une superbe simplicité ; « Frühlingstraum »,
l’un des sommets du cycle ; et enfin les sept derniers lieds à l’émotion
croissante : « Der stürmische Morgen » dont la violence théâtrale augmente
le contraste avec « Täuschung » tout en douceur un peu syncopée ; la
simplicité touchante de « Der Wegweiser » et l’autorité et l’art de la
respiration de « Das Wirtshaus » ; enfin, après le dernier sursaut de « Mut
», viennent la douceur de « Die Nebensonnen », la réflexion désespérée et
l’apaisement final de « Der Leiermann », résumant la solitude, l’angoisse de
la mort et l’adieu à la vie, omniprésents dans ce cycle de mélodies.
Un grand silence salue la fin du concert avant que n’éclatent les
applaudissements : une quinzaine de rappels, une pluie de fleurs et une
standing ovation, rien que de vraiment très mérité. Cette extraordinaire
prestation bien en symbiose avec le jeu pianistique de qualité d’Helmut
Deutsch, montre combien il est vain de chercher pour cette œuvre des
adaptations orchestrales ou scéniques. |
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