Metamag, 22/11/2012
Christian Jarniat
 
Konzert, Opéra de Nice, 9. November 2012
 
Le concert historique de Jonas Kaufmann à Nice
 
Le plus célèbre ténor actuel met le feu à l’Opéra
 
A quand faut-il remonter pour trouver pareil triomphe d’un chanteur lyrique - et, plus spécialement, d’un ténor - à l’Opéra de Nice ? à 1965, lors de l’électrisant « Otello » de Mario del Monaco ? à 1975, pour l’ardent Don José de Placido Domingo ? à 1976, pour l’énivrant Rodolfo de Luciano Pavarotti ? ou bien encore à l’époque bénie (1970-1980) des « Tosca », « Adrienne Lecouvreur » et autres du couple, désormais mythique, Montserrat Caballé / José Carreras ?

Bref, depuis 30 ans au moins, nous n’avions plus assisté à pareil déchaînement d’enthousiasme, à pareille ovation, à pareilles acclamations, à une soirée qu’on ne peut qualifier que d’un terme « historique ». Aujourd’hui, Jonas Kaufmann est sans conteste le plus célèbre ténor du monde, celui qui ouvre régulièrement les saisons de la Scala de Milan, du Festival de Bayreuth, du Metropolitan Opera de New-York ou encore du Covent Garden de Londres.

Dans ces quatre théâtres, il est adulé comme l’ont été les ténors de l’âge d’or de l’art lyrique. Les DVD gardent désormais le témoignage de ses fulgurantes interprétations en ces lieux telles que son Don José de « Carmen » à Londres, son Siegmund dans la dernière tétralogie de New-York, sans compter sa « Tosca », son « Adrienne Lecouvreur », son « Faust », mais aussi son mémorable « Werther » à l’Opéra de Paris.

Dans quelques jours, et très précisément le 7 décembre, il sera à nouveau à la Scala de Milan pour son insurpassable « Lohengrin » de Richard Wagner qui sera retransmis en direct sur la chaîne Arte, avant d’interpréter, au mois de février, du même compositeur, « Parsifal », au Metropolitan Opéra de New-York, qu’il redonnera à l’Opéra de Vienne au mois de mars. Ce sera ensuite « Don Carlo » de Verdi à Londres au mois de mai, puis à Munich au mois de juillet. C’est d’ailleurs dans cette ville, où il est né, qu’il abordera, au mois de juin, « Le trouvère » de Verdi.

En dehors de ses qualités vocales et musicales, c’est sa totale identification avec les personnages qu’il interprète qui a été saluée avec enthousiasme par la presse et le public. La venue à Nice d’une star qui ne se produit que dans les plus grandes capitales de la planète est en soi un évènement exceptionnel (auquel le directeur musical Philippe Auguin n’est évidemment pas étranger).

Doté d’un physique à faire pâlir nombre d’acteurs du grand écran, Jonas Kaufmann possède une voix qui est, à elle seule, un vrai miracle : une couleur sombre du plus beau métal, un aigu aussi puissant que lumineux et une mezza vocce qui lui permet de parvenir aux plus infimes des murmures sans perdre un atome de chair ou de musicalité.

Quel raffinement dans l’évocation d’Enzo où le ciel et la mer s’unissent en un poème nocturne ! Quel scrupule à respecter à la lettre la nuance pianissimo (diminuant jusqu’à un ppp sur le si bémol) de la fleur de Don José, si difficile à faire et que la plupart des ténors transforment en un malencontreux forte ! Quelle exaltation dans le lied d’Ossian de « Werther » ! Quelle émotion dans les adieux à la mère de « Cavalleria Rusticana » !

Et puis il y a cet éblouissant contraste entre l’arrogance d’André Chénier et l’extatique et bouleversant récit du Graal d’un Lohengrin s’inscrivant au plus près de l’orchestre en un extraordinaire crescendo, de la confidence du mystère à fleur de lèvres, à l’éclat contenu de la révélation. En bis, un « Pays du sourire » au charme inouï, un Caravadossi d’une sensibilité frémissante, un « Du bist die welt für mich » qui fit en son temps la gloire de Richard Tauber et un « Core’ngrato » à faire délirer le public. Unique ! Philippe Auguin avait choisi, avec pertinence, les ouvertures et intermezzi en lien direct avec les airs interprétés par Jonas Kaufmann.

Après une traditionnelle et vibrante « Force du destin », le public a pu apprécier le prélude du 4ème acte de « Carmen » de Bizet, la méditation de « Thaïs » (belle prestation du violon solo de l’Orchestre Vera Brodmann Novakova), les intermezzi de « Cavalleria Rusticana » et de « Fédora », les préludes de « La walkyrie » et de « Lohengrin » (acte III). L’orchestre, sous la baguette précise et efficace de son directeur musical, était à la hauteur de cet historique rendez-vous.






 






 
 
  www.jkaufmann.info back top