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Diapason, octobre 2012
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E.D. |
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Bizét: Carmen, Salzburger Festspiele, 17. August 2012
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CARMEN DE BIZET
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Grosses Festspielhaus, le 17 août. Carmen à Salzbourg : où l'on vérifie
que la glorieuse santé du chant français peine à passer les frontières - un
seul de nos artistes au générique, Jean-Paul Fouchécourt, Remendado,
parfait. La langue n'est pas massacrée pour autant, mais les dialogues
parlés, même réduits au strict minimum, restent une épreuve.
Etrennée
pendant le Festival de Pâques - avec les Berliner Philharmoniker, remplacés
en été par les Wiener Philharmoniker, histoire de ne pas perdre au change -,
cette production a, depuis, fait l'objet d'un enregistrement studio (Emi,
cf.n° 605). On en retrouve, in vivo, les défauts et qualités. Dans la fosse,
c'est toujours la fête. Un trait de flûte là, un solo de violoncelle ici, un
contre-chant de basson : si vous ignoriez que Bizet fut un orchestrateur de
génie, Simon Rattle en apporte la preuve avec éclat, dirigeant aux petits
oignons une partition qu'il fait respirer avec une évidence de chaque
instant. Du grand art.
Sur scène, Magdalena Kozena confirme que le
rôle-titre ne tombe pas naturellement dans sa tessiture. Du coup, elle
surjoue, s'autorisant des effets qui ne sont pas toujours du meilleur goût.
Une incarnation est là, certes, portée par un riche mezzo, mais cet oiseau
rebelle doit encore être dompté - peut-être aurait-il fallu à la mozartienne
délicate et cultivée que fut Kozena un écrin plus intime que le Grosses
Festspielhaus pour prendre son vol ? Passons sur l'Escamillo sans grave ni
charisme de Kostas Smoriginas, et déposons tous nos lauriers sur le front de
Genia Kühmeier, fontaine de soie et de grâces musicales. Victoire à
l'applaudimètre pour cette Micaëla grand style, partagée avec le Don José de
Jonas Kaufmann, pas latin pour un sou, mais d'une précision de chant et
d'expression sidérante - et bouleversante (faut-il préciser que l'adéquation
physique est idéale ?).
Quant au spectacle d'Aleta Collins,
il ne saurait avoir d'autre prétention que de dispenser le plaisir du
travail bien fait. Les très efficaces décors de Miriam Buether y sont pour
beaucoup : un atelier crasseux à l'acte I, un lupanar tout de rouge tendu au
II, un collecteur d'égout en guise de montagne au III, une place publique
baignée de lumière au IV. Cette Espagne est davantage celle d'Almodovar que
de Goya, mais elle est prestement croquée. Sous l'oeil noir du fatum, la
foule et les caractères y évoluent d'un pas léger, avec des déhanchements
flamencos - Miss Collins est avant tout chorégraphe - qui font rôder comme
un air d'amour sorcier. Rien de neuf sous le soleil, mais Carmen n'est pas
trahie.
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