Diapason, octobre 2012
Ivan A. Alexandre
 
Strauss: Ariadne auf Naxos, Salzburger Festspiele, 5. August 2012
 
ARIANE A NAXOS DE STRAUSS
 
A Salzbourg, l’opéra de Strauss est donné dans une version inédite qui superpose finement l’histoire et la fiction. Jonas Kaufmann et Elena Mosuc dominent le plateau vocal
 
Haus für Mozart, le 5 août.
Partout dans le monde, Ariadne auf Naxos est un opéra en un acte et un Prologue où copulent honteusement (quoique divinement) tragédie antique et commedia dell'arte. Créée à Vienne fin 1916, la tragicomédie de MM. Strauss et Hofmannsthal n'est pourtant que la version définitive d'une pièce étrange née à Stuttgart quatre ans plus tôt. Dans cette version primitive, pas de Prologue chanté. Deux actes sont dévolus à un arrangement avec musique de scène du Bourgeois gentilhomme de Molière, comédie dont le divertissement final, en fait de turquerie, sera grosso modo la seconde partie de l'opéra que nous connaissons. Sur le papier, le projet salzbourgeois nous emballe. L'Ariadne originelle ne court pas les rues, son absence au répertoire des théâtres justifie son apparition à l'affiche d'un festival, et justement 2012 est son centenaire.

Mise en abyme de l'abyme...
Mais le metteur en scène n'a pas voulu s'arrêter là. Comme la pièce de Molière lui inspire une confiance modérée, il y ajoute une intrigue de son cru : le flirt sophistiqué d'Hugo von Hofmannsthal avec la comtesse Ottonie von Degenfeld-Schonburg en 1911. Mise en abyme de l'abyme de l'abyme... le public pourrait s'y perdre. Or pas du tout. Cela reste limpide, blanc (le décor, les costumes), froid (le jeu). Pas drôle malgré les grimaces d'un Monsieur Jourdain assez sommaire. Et long. Trop long pour nous consoler de l'absent : le Prologue de 1916, chef-d'oeuvre de ses auteurs. Et la première partie du spectacle réglé par le nouveau directeur de la programmation théâtrale Sven-Eric Bechtolf dure son heure et demie seconde par seconde. A Zurich, Le Chevalier à la rose mis en scène par le même M. Bechtolf passait beaucoup plus vite...

Après l'entracte, retour à l'opéra. Dans sa version princeps, l'air de Zerbinette avoisine le quart d'heure et cabriole encore plus qu'en 1916. Honneur à Elena Mosuc, qui vole de double-croche en contre-fa dièse sans fantaisie mais avec une ténacité non dépourvue de charme.

Chez les bouffes, une fois n'est pas coutume, ce sont d'ailleurs moins Zerbinette et Arlequin qui nous enchantent que les tourbillonnants Scaramouche et Truffaldin des jeunes Michael
Laurenz et Tobias Kehrer. Entourée de Naïade et Dryade à éclipses, la soprano américaine Emily Magee campe une Ariane traditionnel lement wagnérienne, contrainte au début mais
généreuse dans le duo. Superbe finale, ferme, rond, corsé.

Oui, quel duo ! Car la merveille des merveilles attend les dernières minutes pour se faire connaître. Que dire qu'on n'ait répété mille fois de Jonas Kaufmann ? Le métal chaud et les nuances de Wunderlich, l'ombre et l'émission gutturale de Vickers, mais finalement ni l'un ni l'autre. Un Bacchus magistral, entièrement original. Ajoutez l'irisation continue de Wiener Philharmoniker étrangement fragiles sous la direction de Daniel Harding dans un soir austère - remercions tout de même le jeune maestro d'avoir ainsi sauvé les représentations dont Riccardo Chailly, souffrant, a dû se retirer. Maintenant, adieu Stuttgart 1912. Et vivement 2016 qu'Ariadne nous revienne telle qu'en elle-même. Revue.








 






 
 
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