Resmusica, 18 mars 2012
Patrick Georges Montaigu
 
Konzert, Paris, 12. März 2012
 
Impressions mitigées avec Kaufmann et Nelsons
 
 
Il y a fort à parier qu’une bonne partie du public qui emplit copieusement le Théâtre des Champs-Elysées était venue entendre une des top vedettes du chant actuel en la personne du ténor Jonas Kaufmann, ce qui expliqua sans doute le fou rire de ce même public quand on annonça juste avant l’entrée en scène des musiciens un léger changement de programme, déplaçant l’entracte entre les deux cycles de lieder et non plus à leur fin, « obligeant » le public à rester pour la symphonie de Sibelius. Reconnaissons que ce gentil piège avait aussi l’avantage de créer une pause bénéfique entre les cycles Mahler et Strauss tant le ton et le climat requis différaient de l’un à l’autre. Et à dire vrai, différaient tout au long de ce programme patchwork à l’indiscernable logique.

Immortalisés par Kathleen Ferrier côté voix féminines et Dietrich Fischer-Dieskau hier ou Thomas Hampson aujourd’hui tous deux barytons côté masculin, on ne pouvait qu’être curieux d’entendre la prestation d’un ténor dans cette délicate partition des Kindertotenlieder de Mahler et force est de reconnaitre qu’on ne put s’empêcher de ressentir un certain malaise à entendre cette voix très étrangement placée et tout aussi bizarrement timbrée, puisque Jonas Kaufmann attaqua dans la tessiture de baryton, choix à risque que l’on peut trouver courageux, mais qui lui créa bien des difficultés dont il ne se sorti pas vraiment. A aucun moment on ne le sentit dominer la partition, toujours sur la réserve sinon sur le qui-vive et du coup il fut bien en peine, malgré son talent et ses efforts, de transmettre la moindre émotion. L’accompagnement sans climat particulier d’Andris Nelsons le l’aida pas non plus, mais il ne pouvait de toute façon faire de miracle. On rangea donc cette prestation dans la catégorie des expériences non abouties, et on attendit les Strauss pour corriger cette impression. Et avouons que le premier lied Ruhe, meine Seele chanté avec une voix plus naturelle et plus pleine, nous fit plaisir à entendre. La suite fut malgré tout contrastée car suivant la tessiture de chaque lied, Jonas Kaufmann oscilla entre sa voix habituelle de ténor, et la voix de baryton qu’il utilisa en première partie. Ce qui produisit alors un peu le même effet, heureusement plus épisodiquement, ces lieder de Strauss résistèrent mieux que ceux de Mahler et inspirèrent peut-être un peu plus le chef, ce qui fit que, même si l’ensemble ne fut pas irréprochable, il y eut de bons moments. Notons que le programme annoncé fut modifié, cette fois sans prévenir, puisque de quatre initialement prévus on passa à cinq lieder, tout en en changeant l’ordre et en ajoutant encore un en bis. On donnera une mauvaise note pour la production qui, une fois de plus, ne prit pas la peine de sur-titrer les lieder.

Après un rapide ajustement de plateau, dont certains, peu nombreux mais quand même, profitèrent pour prendre la poudre d’escampette, l’orchestre attaqua les premières mesures de la Symphonie n°2 de Sibelius avec un engagement qui nous rappelait la soirée de la veille consacrée à Tristan. Bien plus à son affaire ici qu’avec Mahler quelques instants plus tôt, le chef, par sa direction directe, vivante, voire spectaculaire, réussit incontestablement à capturer l’attention d’un public pas gagné d’avance et à lui faire apprécier cette œuvre de Sibelius, du moins si on en croit les applaudissements autant spontanés qu’appuyés qui saluèrent cette interprétation. L’amateur de Sibelius y trouva également son compte même si, par moment, on se sentit en deçà du potentiel évocateur et expressif de cette musique, comme par exemple le final, brillant et spectaculaire mais un poil prosaïque. Comme tout le monde semblait heureux, Andris Nelsons et son orchestre offrirent un bis au public, que le chef prit la peine d’annoncer, belle marque de respect qu’on aimerait rencontrer plus souvent, tous les bis n’étant pas aussi évidents pour le grand public, et même parfois pour le chroniqueur, que Le beau Danube bleu, La Marche de Radetzky ou la suite de Carmen. C’est ainsi que les seules cordes de Birmingham conclurent la soirée par l’orchestration de l’Andante festivo originellement écrit pour quatuor à cordes par Sibelius en 1922, soit vingt ans après sa Symphonie n°2.




 






 
 
  www.jkaufmann.info back top