Evene.fr, 5 février 2010
par Aurélie Koch-Mathian
Massenet: Werther, Paris, janvier 2010

Les coups de coeur
Werther
 
Peut-être parce que son metteur en scène est également cinéaste, et au-delà de la virtuosité de ses interprètes, 'Werther' possède l'esthétisme visuel des grandes fresques romantiques du grand écran. Les costumes de cet opéra, présenté dans sa version française, ont été confectionnés par Christian Gasc, un artisan du cinéma césarisé à trois reprises pour ceux de 'Madame Butterfly', 'Ridicule' et du 'Bossu'. Mais plus que les belles étoffes - notamment le célèbre complet de bal bleu et jaune du Werther de Goethe -, ce sont les décors vertigineux de Charles Edwards qui impressionnent. Nouveau venu à l'Opéra Bastille, le décorateur anglais crée grâce à des tableaux lumineux, une douce sensation de vertige. La beauté mais surtout la profonde perspective des décors transportent dans une peinture vivante, reconstitution historique sur le fil, où murets et portails semblent dissimuler un précipice au bord duquel le poète évolue, inconscient du danger. Tantôt deviné, tantôt obscurci, ce vide omniprésent évoque a chaque seconde la mort qui plane sur le destin du héros romantique. Un Werther incarné tout en retenue par le ténor allemand Jonas Kaufmann qui lui donne ses traits, à la fois ténébreux et fragiles, et son timbre aussi puissant que nuancé, parfois à peine assez fort dans les moments d’émotion intense. Dans une interprétation plus grandiloquente, Sophie Koch donne chair a une Charlotte rayonnante et dévouée qui choisira la voie du devoir plutôt que celle de la passion. Son articulation parfaite rend tout son charme au texte du poème de Blau, Milliet et Hartmann, simple et prosaïque dans les deux premiers actes, plus lyrique à l'apogée du drame. Dans un dernier acte sublime, la macabre chambre de Werther glisse lentement vers le devant de la scène. Un travelling avant poétique, clin d'oeil de Benoit Jacquot au 7e art, comme pour retarder l’inéluctable fin de l'une des plus grandes romances du XVIIIe siècle et tenir en haleine un public ému et comblé.






 
 
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