Le Figaro, 16 janvier 2010
par Christian Merlin
Massenet: Werther, Paris, 14. Januar 2010
« Werther » donne le grand frisson
 
À l'Opéra Bastille, le chef d'orchestre Michel Plasson tire la musique vers la mélancolie. La distribution est impeccable.

Depuis son arrivée à la direction de l'Opéra de Paris en septembre, Nicolas Joel s'attache à privilégier la qualité du chant. Au risque de nous frustrer en termes de théâtre. Mais il compense parfois par les sensations fortes que procurent les grandes voix. Comment ne pas sortir époustouflé de la première de Werther, après le grand frisson provoqué par une distribution en état de grâce ?
Jonas Kaufmann chante son premier Werther et l'on est d'emblée fasciné. Après quelques minutes d'accoutumance à son timbre sombre, plus germanique que latin, on rend les armes devant cette voix ambrée, légèrement voilée, qu'il colore en fonction des inflexions du texte et de la psychologie. Capable de demi-teintes qui passent parfaitement la rampe de l'immense Opéra Bastille, il sait aussi darder des aigus héroïques, mais toujours contrôlés, sur la ligne et le souffle. Sans parler du français, impeccable, et de la présence scénique, confondante : quel artiste ! Sa Charlotte ? Sophie Koch nous avait tellement déçu dans Les Nuits d'été, de Berlioz, que l'on était inquiet. Appréhension balayée en deux répliques : égale sur toute l'étendue d'une tessiture ambiguë, entre mezzo et soprano dramatique, sa voix chaude et pleine s'éclaircit au service de la diction du français, dans une incarnation touchante de ce personnage tiraillé entre ses désirs et sa loyauté. Quelle artiste !

Débuts tardifs
Ludovic Tézier et Anne-Catherine Gillet ? Perfection du style et beauté de la voix, on n'imagine pas Albert et Sophie autrement. Quels artistes ! Quant à Alain Vernhes, il offre son habituelle leçon et n'a pas son pareil pour faire d'un second rôle un premier plan, dans la plus grande tradition.

C'est aussi un triomphe personnel pour un Michel Plasson visiblement touché, lui que Paris a parfois méprisé : accueilli par des ovations à chaque commencement d'acte, pour ses débuts tardifs à Bastille (à 76 ans !), le maître de l'opéra français dirige très lentement, au risque d'étirer les phrases. On s'installe cependant dans cette lenteur porteuse d'une mélancolie et d'une poésie si bien rendues par les sonorités soyeuses et raffinées de l'Orchestre de l'Opéra.

Enfin, simple et classique, la mise en scène de Benoît Jacquot, déjà vue à Londres, à Covent Garden, est plus une suite de tableaux vivants qu'une grande mise en scène. Mais ses images sont indéniablement belles, et magnifiquement éclairées.

 

 






 
 
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