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Le JDD, 18.03.09 |
Nicole DUAULT |
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L'irrésistible ascension de Jonas Kaufmann
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Une demi-heure d'airs donnés en "bis" à
l'issue d'un concert d'une heure et demie coupé d'applaudissements forcenés
par une salle ultra bondée. C'était mardi soir, au Théâtre des
Champs-Elysées, l'heure du triomphe à Paris pour le chanteur allemand âgé de
40 ans, Jonas Kaufmann, surnommé le ténor "assoluto", tant ses moyens sont
foisonnants. |
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Voici une carrière modèle. C'est dans sa
quarantième année que Jonas Kaufmann, au summum de ses moyens, s'attire le
triomphe de la critique et du public. On le connaît depuis longtemps à Paris
où, entre le Châtelet et l'Opéra, il avait économisé ses effets. Son premier
succès international eut lieu à Salzbourg en 1999. Mais, le véritable
tournant de sa carrière ce fut sans doute au Covent Garden de Londres en Don
José dans une mémorable Carmen, avec Anna Caterina Antonacci (enregistrement
disponible en en DVD).
Cette saison il est devenu la coqueluche de Paris en trois prestations: un
récital tout en finesse de lieder au Palais Garnier en novembre 2008, une
intense interprétation de Florestan dans Fidelio toujours au Palais Garnier
deux semaines plus tard et mardi soir un fulgurant récital. Il ose tous les
répertoires ce ténor allemand à la chaleur très italienne. Avec un visage
grave, des yeux aussi foncés que sa chevelure bouclée, il est un ténébreux
héros romantique. Sa voix aux aigus ronds, d'une couleur sombre, sa diction
impeccable dans toutes les langues, l'émotivité intelligente de chacun de
ses personnages font mentir le dicton selon lequel "il n'y a pas plus c..
qu'un ténor!". Il est vrai que son timbre vocal serait celui improbable
d'une espèce hydride de "bary-ténor"
Racé, voilà sans doute l'épithète qui convient le mieux à cet irrésistible
interprète qui mardi soir a fait merveille dans des airs aussi divers que
ceux de Mario dans Tosca, de Rodolfo dans La Bohème, de Werther dans l'opéra
éponyme, de Don José dans Carmen, de Lohengrin dans l'oeuvre du même nom,
ainsi que dans une chanson napolitaine de Tosti. Kaufmann passe avec une
fraîcheur et une aisance désarmantes d'un rôle à l'autre. Peut-être même un
peu trop: ce concert a souvent ressemblé à un époustouflant exercice de
styles, de la haute voltige.
Rien n'est plus fragile que la voix d'un ténor exposée à des aigus
surhumains, à des concerts trop fréquents et à des déplacements en avion
trop nombreux. On s'en rend compte aujourd'hui avec les difficultés
passagères rencontrées par les deux stars Roberto Alagna et Rolando
Villazon. Le public et les programmateurs qui leur en redemandent toujours
plus sont en partie responsables. A voir le sourire rayonnant de Kaufmann
hier comme celui ces jours derniers de Villazon à la Bastille dans Werther
sous les applaudissements hystériques du public, comment pourraient-ils y
résister? |
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