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Diapason, 26/11/2008 |
Emmanuel Dupuy |
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/dècembre 2008
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Vu et entendu : Fidelio au palais Garnier
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Depuis plus de trente ans, des Fidelio
transposés dans l'univers carcéral contemporain, on en a vu des kyrielles.
Johan Simons ne craint donc pas d'enfoncer des portes ouvertes en proposant
sa propre vision dans un décor aseptisé qui évoque autant Guantanamo que
Fleury-Mérogis. Guère percutante, sa direction d'acteurs a pour seul mérite
de ne pas compromettre la lisibilité du drame. On a réécrit les dialogues,
c'est-à-dire remplacé des platitudes anciennes par des platitudes modernes
entrecoupées de longs silences, sans doute lourds de signification, mais qui
ont surtout pour effet de casser le rythme de l'action. Presque autant que
la direction musicale de Sylvain Cambreling. Peu importe les quelques
libertés prises avec la structure de la partition qui a subi assez d'avatars
pour que l'on puisse se les permettre – l'Ouverture usuelle a été remplacée
par Leonore I, l'ordre des premiers numéros changé, un trio omis rétabli.
Mais le geste purement formaliste, soucieux d'un certain confort sonore,
installé dans la lenteur, ignore les angles et les climats du théâtre, les
sentiments. Pris d'un accelerando brutal, le chœur final sombre, sans joie.
D'autant que ces dames dégrafent leurs manteaux gris pour laisser paraître
des robes imprimées de grosses fleurs multicolores. Effet comique garanti,
mais ce sera les seules couleurs de la soirée.
Le plateau peine, dans ces conditions, à tirer son épingle du jeu. La
Leonore d'Angela Denoke se consume jusqu'à se brûler les ailes, gênée aux
entournures d'une intonation et d'un registre supérieur paresseux. Trop
léger d'étoffe, le Pizarro d'Alan Held sur-joue son méchant jusqu'à la
caricature ; et il manque au valeureux Paul Gay l'assise grave d'une vraie
basse germanique pour imposer l'autorité de son Fernando. Miel et bonté, le
Rocco de Franz-Josef Seilg est en revanche parfait, autant que la craquante
Marzeline de Julia Kleiter à laquelle Ales Briscein apporte la réplique d'un
craquant Jaquino. Dominant tout ce petit monde, Jonas Kaufmann est tout
simplement le meilleur Florestan entendu depuis... des lustres. Métal,
phrasés, éloquence, charisme, tout est là. Mais quand on a un tel artiste à
son service, est-il permis de si mal en employer le don scénique, en le
laissant prostré à terre pendant quasi tout son acte ? |
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