|
|
|
|
|
La Libre, 27/11/08 |
Nicolas Blanmont |
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/dècembre 2008
|
Fidelio prisonnier de la lenteur
|
Gerard Mortier s’offre un
nouveau "Fidelio". Sylvain Cambreling dans la fosse, Johan Simons à la mise
en scène. Et Jonas Kaufmann, extraordinaire Florestan. |
|
|
Gérard Mortier fêtait ce mardi ses 65 ans. Date
symbolique qui aurait d’abord dû, au regard de la législation française,
être celle de la fin de son mandat à l’Opéra de Paris, si une dérogation ne
lui avait permis d’achever cette saison 2008-2009. Dans cette ultime saison
parisienne, et alors même que l’avenir du Gantois reste plein de questions
(voir ci-dessous), son anniversaire aura été l’événement lyrique faisant
courir le Tout-Paris, même si ce nouveau "Fidelio" n’a pas répondu à toutes
les attentes.
Lenteurs
A l’actif du spectacle, pourtant, une distribution de beau niveau,
dominée par le superbe Florestan de Jonas Kaufmann. Le ténor allemand
confirme qu’il n’usurpe pas le statut de star montante que beaucoup lui
confèrent et les espoirs suscités par son récent récital pour Decca: timbre
chaud et bien plein, technique souverainement maîtrisée (son "Gott" initial
est un modèle), élégance et puissance du chant, il en est peu aujourd’hui
qui incarnent aussi idéalement le rôle. Dommage qu’Angela Denoke, à qui
revient l’omniprésent rôle-titre, n’ait pas la même constance: de beaux
moments certes, et une indéniable intensité expressive, mais de fréquentes
difficultés dans l’aigu et une intonation plus d’une fois aléatoire. Le
reste va de l’excellent (la Marzellina de Julia Kleiter et le Pizzaro d’Alan
Held) ou très bon (le Rocco de Franz Josef Selig, le Fernando de Paul Gay et
le Jaquino d’Ales Briscein). Joie musicale alors? Non, car la lenteur de la
plupart des tempi choisis par Sylvain Cambreling a pour effet de priver la
soirée de souffle, de plomber le drame et de plonger le spectateur dans
l’ennui, quand ce n’est pas de mettre les chanteurs en difficulté. On sait
certes gré au vieux complice de Mortier de quelques moments forts, mais les
chutes de tension récurrentes, ces passages qui se délitent ou se
décomposent empêchent la passion de prendre le dessus. Les options
musicologiques de Cambreling (remplacement de l’ouverture de "Fidelio" par
la "Leonore I", restauration d’un trio provenant d’une version antérieure)
n’arrangent rien, tout au contraire, de même que la réécriture des
dialogues.
Façadisme
Car si l’on veut bien admettre que le livret original de Sonnleithner n’est
pas des plus géniaux et que l’alternance musique/dialogues parlés n’a jamais
été facile à gérer ici, les nouveaux textes de l’écrivain allemand Martin
Mosebach ne font que renforcer le problème. Ils sont d’une pénible lourdeur,
que ce soit dans leur parti-pris de dire (plutôt deux fois qu’une) ce qui
était jusque-là de l’ordre de l’implicite mais aussi dans leur façon
d’insister sur l’actualité de la pièce en la truffant de références
actuelles, en insistant sur le contexte dictatorial et en exacerbant,
finalement, le manichéisme de la situation. Et le tout finit par avoir le
parfum d’hiatus de ces bâtiments bruxellois dont on ne garde que la façade
pour en reconstruire l’intérieur.
C’est d’autant plus insupportable que Johan Simons use et abuse de silences
supposés signifiants, a tendance à faire surjouer ses chanteurs et a jugé
nécessaire de recourir à une amplification de ces nouveaux dialogues pour
qu’on n’en perde pas une miette. On en arrive ainsi à un premier acte d’une
longueur inusitée (une heure quarante), d’autant plus lent que la mise en
scène du patron (néerlandais) du NT Gent a une solide allure de déjà-vu: on
n’avait sans doute pas besoin d’une nième transposition à l’époque actuelle,
dans une prison façon Guantanamo, univers aseptisé truffé d’écrans vidéo
(les décors de Jan Versweyveld ressemblent furieusement à ceux qu’il avait
signés pour le récent Ring de l’Opéra flamand), pour être convaincu de
l’importance aujourd’hui d’une pièce comme "Fidelio". |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|