ConcertoNet.com
Sébastien Foucart
Concert, Montpellier, Le Corum, Opéra Berlioz, 07/31/2008, Natalie Dessay, soprano, Jonas Kaufmann, ténor
Passeraient-ils des vacances ensemble ?
Toutes les bonnes choses ont une fin mais comme le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon n’est pas de ceux qui remplissent leurs tâches à moitié, la soirée de clôture de cette vingt-quatrième édition se devait d’être exceptionnelle. Une sélection de grands airs et duos d’opéras mêlés à des pages symphoniques : si cette très classique et populaire formule fera toujours sourciller le puriste, qui estime qu’un air isolé de son contexte constitue un contresens musical et dramatique, elle sera toujours très vivement courue et appréciée si l’affiche comporte des stars du monde lyrique.

En invitant Natalie Dessay et Jonas Kaufmann, le succès public était assuré d’avance ; de fait, ce concert de clôture affichait complet depuis longtemps. Il semble par ailleurs qu’un marché noir parallèle se soit développé car de nombreuses personnes plantées le soir même aux portes et dans le hall du Corum tentaient désespérément, annonce en main, d’acquérir l’une ou l’autre place auprès de ceux prêts à revendre la leur ou empêchés en dernière minute de s’y rendre. Et il se murmurait qu’il s’agissait peut-être d’une des dernières, sinon la dernière, apparition de l’illustre soprano française dans ce type de récital…

L’orchestre et le chef ? Le National de Montpellier dirigé par un habitué de la cité languedocienne, qui plus est chef de fosse hautement expérimenté : Michael Schonwandt entame les festivités avec une ouverture du Carnaval romain de Berlioz remplissant parfaitement son office, tout comme Espana de Chabrier en début de seconde partie, et révélant d’amblée de belles prestations solistes. Parmi les autres pages symphoniques, il convient de mentionner deux pièces de compositeurs rarement programmés et chers au cœur de René Koering, dont l’un, Giuseppe Martucci (Notturno), n’a précisément écrit aucun… opéra ! Bien que son œuvre symphonique mérite assurément d’être défendue, sa présence a de quoi étonner au sein d’un récital lyrique, ce qui n’est pas le cas de Franz Schmidt, auteur d’un Notre-Dame dont a été extrait l’Intermezzo, joué avec une puissance et une densité surdéveloppées.

L’art du chant de Natalie Dessay, artiste d’exception poursuivant une prestigieuse carrière internationale, en particulier aux Etats-Unis (où elle est attendue à San Francisco, Sante Fe, Chicago et New York), a été maintes fois commenté, y compris en ces colonnes. Aussi se limiterons-nous de relever, une fois de plus, son charisme, sa facilité décidément déconcertante (aigus jamais hypertrophiés), la richesse de ses incarnations ainsi que son aptitude à se mettre en scène. On pouvait craindre un excès de one woman show ; il n’en fut rien car si Natalie Dessay reste toujours aussi comique, espiègle et virevoltante (elle rejoint les coulisses telle une fillette sûre de son coup), l’ensemble de sa prestation reste d’une belle tenue, un rien de réserve étant même perceptible.

Bien placée et solide, la voix de Jonas Kaufmann peut séduire comme étonner : elle n’est en rien ensoleillée, et ses accents légèrement rauques laisseront sur la route ceux qui ne jurent que par le timbre d’un Domingo, d’un Pavarotti, voire d’un Villazon. Si prises individuellement, ces deux personnalités séduisent, il n’en n’est pas de même une fois rassemblées pour ces duos aptes, traditionnellement, à arracher des cris de délire dans le public. Où résident la passion, la flamme, le théâtre ? Leurs duos sont corsetés, le ténor et la soprano se regardant à peine, trop attachés à suivre leur partition, ce qui, évidemment, bride le naturel et l’expression. La diction française de Jonas Kaufmann ne se hisse pas au niveau de celle de sa partenaire, ce qu’on est en droit de regretter dans les duos de Manon et de Roméo et Juliette.

Toutefois, la standing ovation ne se pas fait pas attendre. Et à Michael Schonwandt d’empoigner avec enthousiasme le bis, le fameux « Brindisi » de la Traviata, et au public d’accompagner l’orchestre des mains, comme au Nouvel An, avant la reprise du duo.






 
 
  www.jkaufmann.info back top