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Jean-Charles Hoffelé
Verdi : La Traviata, Paris, Palais Garnier, 24 Juin 2007
Christoph Marthaler et Traviata : La Mort
Oui, Marthaler n’a pas encore totalement renoncé à ses pollutions, à ses éléments superflus qui s’ajoutent à l’action : la tondeuse de Germont fils au II fait doucement rigoler. Mais dans Traviata ceux-ci deviennent si incongrus qu’ils s’annulent, d’autant que Marthaler les contient la plupart du temps dans des espaces qui n’en souffrent pas trop : dans la joie factice de l’acte I ou chez Flora. Bémol réel par contre le bruit voulu, iconoclaste mais bête à la fin que produisent ces éléments rapportés ; les verres de plastique que l’on piétine au I, les housses dans lesquelles Anina range les vêtements au II, maltraitent la musique, l’agitation trépignante du vestiaire en divertit l’attention. Tout cela est tellement voulu que c’en est vain. Et inutile surtout.

Mais lorsque Marthaler est confronté au drame, qu’il se retrouve pour ainsi dire nu devant la réalité de la pièce, alors son génie éclate comme s’il prenait enfin confiance en lui : le directeur d’acteur se révèle et vous emporte très loin. Au point qu’on ne se souvient pas d’avoir vu Traviata avant son spectacle.

Icône de référence, Piaf, cette autre figure de dévoyée. Schäfer est une Piaf rousse. Marthaler l’isole dans une poursuite de récital lorsqu’elle parle d’elle même, ou de sa mort, moments magiques, d’une beauté envoûtante. Germont fils prend enfin son vrai visage, celui d’un adolescent maladroit, dévoré par la stature de son père. Performance inoubliable des deux amants. Schäfer qu’on ne pensait pas un instant capable de chanter Traviata habite le personnage jusqu’à l’hallucination avec une tristesse qui fait mal. Et vocalement elle tient son pari, va jusqu’au bout de ce que lui permet sa voix avec une intelligence confondante. Jonas Kaufmann marque pour longtemps le rôle d’Alfredo, avec son ténor sombre et ses manières de chanter différemment.

On est à l’opposé du style verdien chez lui comme chez Violetta et Cambreling fait en sorte de donner à cette dérive une cohérence qui ne souffre pas de contestation. De la première à la dernière note sa battue très lente, analytique, célèbre une sorte de messe des morts qui colle absolument aux images. Van Dam fatigué, faux, probablement en méforme fait oublier sa voix usée par une performance d’acteur d’une économie et d’une force clouantes. Le troisième acte laisse pantois, épuisé, effroyablement angoissé. Jamais la mort n’a été aussi réelle à l’opéra. En sortant de Garnier on en voulait presque au soleil de briller. Courrez à ce spectacle, d’autant qu’on ne voit pas qui dans l’avenir pourrait reprendre des rôles si clairement pensés pour cette unique distribution.






 
 
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