LeTemps.ch,  20 novembre 2007
Humperdinck: «Königskinder» à l'Opéra de Zurich.
L'innocence brisée
Humperdinck est surtout connu pour son opéra Hänsel et Gretel, dont le climat féerique le rend propice aux fêtes de Noël. Ce compositeur, disciple et grand admirateur de Wagner, laisse un opéra d'une veine semblable, quoique plus sombre. A l'affiche de l'Opéra de Zurich ces dernières semaines, le très rarement donné Königskinder se distingue par une orchestration colorée et luxuriante où, si l'influence de Wagner se fait sentir, les proportions plus humaines et le soin porté au détail (une écriture souvent chambriste) le rendent particulièrement attachant.

Königskinder («Enfants de roi») est à nouveau l'histoire d'une initiation. A une différence près: au lieu du happy end, les deux tourtereaux que sont la Gardienne d'oies (enfermée par une Sorcière) et le Fils du roi (renonçant à ses privilèges) succombent à la mort. C'est que le peuple de Hellabrunn ne peut supporter qu'un couple aussi incongru ait été désigné pour régner sur leur petit monde. Chassés par les adultes, victimes d'un sort tragique scellé par la Sorcière, les deux adolescents errent dans le froid. Leurs rêves se fissurent, dans un décor qui peu à peu se brise.

Très honorable sans être géniale, la mise en scène de Jens-Daniel Herzog (qui n'évite pas certains clichés) éclaire l'écart entre les idéaux d'un couple dépositaire d'un espoir de libération, et l'hypocrisie de la société bien-pensante de Hellabrunn. Tour à tour impétueux, sensuel et voluptueux, le ténor Jonas Kaufmann (le Fils du roi) porte haut son rôle. Menue, fragile, Isabel Rey (la Gardienne d'oies) est l'innocence même. Liliana Nikiteanu campe une Sorcière diablement inflexible. Inspiré, le chef Ingo Metzmacher fait sourdre le pathos dans le somptueux «Prélude» de l'acte III. Puis la musique se fait moins grandiose pour cerner la fragilité d'un amour qui, à peine éclos, avorte.

 






 
 
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