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Forum Opéra |
Christian Peter |
Humperdinck: Die Königskinder Montpellier, Corum, 07/27/2005
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Die Königskinder
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Fidèle
à sa politique, le Festival de Montpellier comble à nouveau une lacune
importante en assurant la création française des Königskinder de Engelbert
Humperdinck et en convoquant pour l'occasion une distribution susceptible
d'offrir une nouvelle chance à cet ouvrage injustement négligé, grâce à la
publication annoncée d'un enregistrement en CD.
Des sept opéras composés par Humperdinck, seul Hänsel und Gretel (1893)
s'est maintenu durablement au répertoire et bénéficie d'une discographie
appréciable où de grands noms se sont illustrés. Pourtant, Die Königskinder
semblait promu à une carrière plus prestigieuse encore : en effet,
l'ouvrage, conçu dans un premier temps sous la forme d'un mélodrame musical,
reçut un accueil extrêmement favorable à Munich où il fut représenté en
1897. Cosima Wagner, qui était restée en relation avec Humperdinck depuis
que celui-ci avait été l'assistant de son époux pour la création de
Parsifal, l'incita à remanier son oeuvre pour en faire un véritable opéra.
Cette deuxième mouture voit le jour à New-York, sur la scène du
Metropolitan, le 28 décembre 1910 deux semaines après la première de La
Fanciulla del west. Le succès est considérable et la partition soulève
également l'enthousiasme de Puccini. Cependant, elle sombre rapidement dans
l'oubli, malgré quelques reprises sporadiques au cours du XXème siècle et
deux gravures discographiques restées confidentielles.
Le livret s'inspire très librement de contes d'Andersen et de Grimm (1).
L'action est centrée autour du personnage de la Gardeuse d'oies, une
orpheline élevée dans la forêt par une sorcière acariâtre qui la retient
prisonnière par ses sortilèges. Ainsi lorsque paraît un Prince dont elle
s'éprend, elle ne peut s'enfuir avec lui. Arrive ensuite le Ménétrier qui
explique à la Sorcière que les habitants de Hellabrunn cherchent un nouveau
roi. Celle-ci lui annonce ironiquement que règnera sur la ville qui en
franchira les portes aux douze coups de midi le lendemain. Le Ménétrier
aperçoit alors la Gardeuse d'oies et questionne la sorcière à son sujet.
Soudain, un prodige brise le maléfice et la jeune fille délivrée part avec
le Ménétrier.
Le deuxième acte nous entraîne à Hellabrunn : le peuple réuni sur une place
attend son souverain. Dans la foule on reconnaît le Prince qui s'est fait
embaucher comme porcher. A midi, la Gardeuse d'oie, conduite par le
Ménétrier, franchit les portes de la cité et se précipite vers le Prince.
Les habitants, furieux, s'indignent qu'une souillon et un porcher puissent
être leurs monarques et chassent les deux jeunes gens. Seuls les gosses de
la ville ont reconnu dans ce couple "les enfants royaux".
Le troisième acte nous ramène dans la forêt. Le Ménétrier s'est réfugié dans
le repaire de la sorcière que les habitants de Hellabrunn ont brûlée vive.
Les enfants viennent lui demander de partir avec eux à la recherche du
couple royal. Paraissent alors les deux héros, épuisés de faim et de
fatigue, qui se jurent un amour éternel avant de mourir empoisonnés par une
miche de pain que la sorcière avait confectionnée.
Sur ce livret quelque peu décousu qui exalte la clairvoyance des enfants
face à des adultes obtus, Humperdink a composé une partition ambitieuse, aux
vastes proportions -près de trois heures de musique- dans laquelle
l'influence de Wagner se fait sentir à plus d'un titre : au premier chef,
l'usage du leitmotiv au sein d'une mélodie continue et le recours aux
préludes qui créent au début chaque acte le climat qui lui est propre. Le
traitement des choeurs au second acte n'est pas sans rappeler Die
Meistersinger, la fuite éperdue des deux héros au trois évoque celle de
Siegmund et Sieglinde tandis que l'ombre de Tristan plane sur leur duo final
où l'extase amoureuse précède leur mort inéluctable. En dépit de ces
réminiscences, l'écriture d'Humperdinck est résolument tournée vers l'avenir
et semble annoncer celle des dernières oeuvres de Richard Strauss.
La distribution, sans faille, se révèle d'un très haut niveau jusque dans
les seconds rôles tenus avec justesse et conviction : citons le Marchand de
balais opportuniste de Fabrice Mantegna et le Bûcheron aux graves solides de
Jaco Huijpen.
Grande habituée du Festival, Nora Gubisch sait trouver dans sa voix sombre
les accents incisifs qui lui permettent d'incarner cette Sorcière
sarcastique et inquiétante dont on regrette seulement que le rôle soit si
court.
Detlev Roth interprète avec beaucoup de sensibilité et d'émotion le
Ménétrier dont la tessiture est voisine de celle de Wolfram qu'il a
également à son répertoire.
Le timbre exquis et lumineux d'Ofelia Sala fait merveille dans le rôle de la
Gardeuse d'oies dont elle restitue avec bonheur la fragilité et la douceur.
Cette soprano lyrique qui chante régulièrement Pamina ou Gilda est dotée
d'une belle projection qui lui permet ici d'affronter un orchestre
pléthorique même si, au premier acte, les écarts de son rôle lui arrachent
quelques aigus à la limite du cri. Sa prestation culmine au trois dans le
grand duo d'amour où elle se révèle particulièrement bouleversante.
Jonas
Kaufmann est sans conteste l'un des grands triomphateurs de la soirée. Ce
ténor au physique de jeune premier est déjà bien connu des mélomanes. Membre
de la troupe de l'Opéra de Zurich, il a participé sur cette scène à de
nombreuses productions dont Tannhäuser (rôle de Walther) et Nina de
Paisiello (aux côtés de Cecilia Bartoli) sont disponibles en DVD. Son
Cassio, à l'Opéra Bastille en 2004, n'est pas passé inaperçu. Enfin il
incarne Huon de Bordeaux dans la version d'Obéron qui vient de paraître sous
la direction de Gardiner. Die Königskinder lui offre un rôle à la mesure de
ses beaux moyens. Sa voix de ténor lyrique, aux accents virils exerce une
séduction immédiate et le timbre, égal sur toute la tessiture est capable de
vaillance tout autant que de suavité sans une once de mièvrerie. Autant de
qualités qui font de lui l'incarnation idéale du prince de conte de fée.
L'autre atout maître de ce concert est Armin Jordan qui porte à bouts de
bras cette partition qu'il dirige avec fougue et conviction, à la tête d'un
Orchestre National de Montpellier dont il sait tirer le meilleur, comme en
témoignent notamment les superbes interludes orchestraux. L'excellent Choeur
de la radio lettone offre une prestation à la hauteur de celles qu'ils ont
données les années précédentes. Mention spéciale pour le choeur d'enfants
Opéra Junior et sa soliste Nelly Lawson qui nous a gratifiés d'interventions
délicatement poétiques.
Nul doute que l'enregistrement discographique annoncé surclassera sans peine
les deux versions qui existent déjà, malgré la présence d'Hermann Prey et
Helen Donath dans celle de Wallberg (EMI), disqualifiée par un ténor bien
falot. |
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