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concertclassic.com |
Jean-Charles Hoffelé |
Verdi: Otello, Opéra Bastille, Paris, 08 Mars 2004
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Otello et ses plumes de corbeau
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Une tempête avec projection d’éclairs, tout le
chœur en ciré noir pour éviter le grain, cet Otello commençait plutôt bien,
avec son grand mur penché qui barrait la scène. Dans la fosse, James Conlon
inspiré par l’œuvre, faisait rugir ses musiciens. Durant toute la soirée il
trouvera toujours le ton juste de l’œuvre, ne surchargeant rien, rendant à
l’orchestre verdien toute sa formidable violence. On se souvenait parfois de
Solti, qui marqua si longtemps les esprits avec son Otello du Palais
Garnier. Ce n’est pas un mince compliment.
Puis le mur s’ouvrit, et Galusine paru. Otello improbable, vocalement en
tous cas : le timbre est d’une laideur rare, barytonné, la justesse
aléatoire, le style vériste. A fuir. Andreï Serban ne l’a pas aidé en
l’affublant de costumes d’opérettes et en le faisant jouer le fou furieux
jusqu’à en paraître ridicule. Otello risque sans cesse de tourner au grand
guignol, il semble bien que le metteur en scène ait assumé ce péril et s’en
soit fait une esthétique. Dommage, car Galusine et surtout le Iago de
Jean-Philippe Lafont, pourtant plus « subtil » qu’à Orange, l’ont suivi sans
broncher dans cette voie. A ce petit jeu, inutile d’espérer des arrières
plans psychologiques, les compositions énormes des deux protagonistes
enterrent illico leurs personnages qui semblent presque sortis d’un cartoon.
Heureusement, Barbara Frittoli ne se rangea pas à la caricature. Sa
Desdèmone altière, noble, aimante mais maîtresse d’elle-même, reprend le
flambeau exactement là où l’avaient laissé Renato Scotto et Ilva Ligabue.
Technique imparable, qui regarde sans cesse vers le bel canto, mais porte
surtout un vrai personnage. Du coup, le couple Cassio (un formidable
Jonas Kaufmann, la révélation de la soirée) – Desdémone paraissait plus
crédible que le couple Otello – Desdémone.
Un cocotier dont les palmes enserrent une lune trouble, un mur à la De
Chirico, de discrets barbelés devant une mer de plomb, histoire de rappeler
que nous sommes à Chypre, île martyre et subissant la partition de son
territoire, tout cela faisait au fond d’assez jolis décors, gâchés
simplement par ces horribles fauteuils Chesterfield, décidément incongrus.
Serban avait replacé l’action au temps de Nadar, des photographes posaient
leurs trépieds pour immortaliser la visite de l’envoyé du Doge. On espérait
beaucoup du tableau final. Frittoli y fut bouleversante, mais Galusine y
franchi, aidé par le metteur en scène, les bornes du ridicule. Quelques
flottement chez les éclairagistes créèrent un léger malaise, l’orchestre se
retrouvant dans le noir et des poursuites très music-hall se substituant
pour quelques secondes aux lumières assez réussies, du moins pour le final,
de Joël Houbeight. Otello entre, muni d’un panier, et dépose autour du lit
de Desdémone des plumes de corbeaux. Le maure s’apprête à un rituel vaudou,
la preuve, il se peint le visage. La pauvre Desdèmone, frappée de coups de
couteau, étranglée dans son voile, finira son calvaire étouffée sous
l’oreiller. Grand guignol de retour, assez désespérant, et qui laisse
dubitatif.
Pourquoi appliquer ici des principes de dramaturgie vériste ? On aimerait
bien poser la question au metteur en scène. |
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