Opéra, Mars 2003
E.P.
Mozart: Idomeneo, Zürich, Januar 2003
Zürich - Idomeneo
DIdomeneo a été le premier triomphe du tandem formé par Nikolaus Harnoncourt et Jean-Pierre Ponnelle dans l'inscription au répertoire zurichois de presque tous les grands chefs-d'oeuvre mozartiens. En choisissant aujourd'hui de confier ce titre à Christoph von Dohnanyi et à Klaus Michael Grüber, l'Opéra de Zurich a voulu marquer une césure nette ; dans la fosse, les musiciens jouent sur des instruments modernes, le chef a opté pour une version très raccourcie de l'ouvrage (le rôle entier d'Arbace, ainsi que plusieurs pages de récitatifs sont ici omis), tandis que sur le plateau, le metteur en scène opte pour une approche nettement plus linéaire de l'intrigue, comme s'il s'agissait de mettre sur pied le déroulement d'une tragédie dominée par le jeu des passions humaines seulement. Grüber n'accorde en effet pas une importance démesurée aux interventions des puissances surnaturelles : Neptune n'est qu'un masque aux couleurs azurées, délicatement tracé à l'aquarelle par Gilles Aillaud sur un grand drap blanc agité à l'arrière-scène. Par contre, les personnages sont cernés avec attention. Idomeneo prend les traits d'un guerrier fatigué au costume en loques, incapable d'assumer pleinement son rôle royal ; en outre, afin de mieux manifester son attitude velléitaire, Grüber fait de lui un manchot dont le moignon sanglant rend encore plus insupportable que de coutume la scène du sacrifice, car il rend réellement visible son dégoût pour le sang versé inutilement. Quant à Ilia et Idamante, ils ont la grâce fragile de figures esquissées sur une amphore crétoise ; ils se meuvent avec la maladresse et la fraîcheur un brin compassée de ces jeunes êtres à qui le destin a réservé une charge trop lourde pour leurs frêles épaules.

Résolument moderne, cette approche n'a pas convaincu les admirateurs de l'univers baroque. Gageons que ce spectacle exceptionnel à plus d'un titre, monté en coproduction avec le Festival d'Aix-en-Provence, peinera moins à convaincre le public du Théâtre de l'Archevêché... Christoph von Dohnanyi opte pour une approche plutôt romantique, mais obtient des musiciens un jeu net et franc, libre de toute surcharge sonore inutile. Malgré sa direction plutôt autoritaire, qui lui permet d'assurer des transitions insensibles entre le récitatif, l'arioso et l'air, il laisse respirer les chanteurs, tout en leur assurant un soutien chatoyant, car il veille à donner un maximum de poids aux ingérences instrumentales des pupitres jouant en solo.

Ilia a le charme et la délicatesse de la voix veloutée, lumineuse autant que sensuelle de Malin Hartelius, alors qu'Idamante convient idéalement au timbre charnu de Francesca Provvisionato qui a accepté en dernière minute de remplacer Liliana Nikiteanu, malade. Luba Orgonasova prouve une fois de plus qu'elle est une des meilleures Elettra du moment, avec ses vocalises parfaitement placées et sa maîtrise impressionnante du souffle.

Mais la révélation de cette distribution admirable d'homogénéité fut Jonas Kaufmann en Idomeneo. Parfait aussi bien dans le registre héroïque que dans les moments lyriques, ce ténor pourrait bien se révéler l'un des plus grands espoirs du chant allemand, dans un répertoire où les surprises heureuses se comptent sur les doigts de la main. Quand on aura ajouté que cet artiste est doté d'un physique plus qu'engageant et que son jeu scénique est à la hauteur de ses prouesses vocales, on ne peut que lui prédire un avenir glorieux.






 
 
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