ClassiqueNews, 1 novembre 2010
Elvire James
Massenet: Werther (Kaufmann, Plasson, 2010)
Jonas Kaufmann est Werther. Le ténor sait captiver immédiatement: il offre une leçon de chant superlative, linguistique impeccable, phrasés sombres et harmoniquement riches; intelligence du verbe, magistrale.

Jonas Kaufmann confirme sa prééminence dans le champ lyrique actuel: après un Lohengrin fouillé, captivant, humain et divin, après son récital discographique où il jubile et nous fait jubiler en chantant les airs véristes (en puccinien magistral entre autres), le voici, plus ténorissimo que jamais, c'est à dire, fin et subtil, articulé et mesuré, en français dans ce Faust parisien qui marque aussi, autre événement, la première direction de Michel Plasson dans la fosse de Bastille.

Créée en 2004 à Covent Garden, cette production scénographiée par le cinéaste Benoît Jacquot à qui l'on doit antérieurement une Tosca cinématographique de premier plan (avec le duo Alagna/Gheorghiu), est filmée ici en janvier 2010 à Paris.

Jacquot campe les climats de chaque acte en grands tableaux
immédiatement repérables: scène extérieure, puis salon fermé; enfin "boîte cercueil" pour la mort du héros auquel l'amour est impossible. Les lumières captent des instants ténus dans ce jeu des non-dits brûlants et exaltés, à la manière des grands peintres nordiques, baroques ou plus récents tels Hammershoi.

Le trio Albert/Charlotte/Werther
trouve ici un relief souvent très juste car trois tempéraments se jaugent, s'effleurent, se croisent dans la tension et l'hypersensibilité; d'autant plus que le réalisateur se concentre sur ce chassé croisé des corps et des coeurs, écartant l'anecdote  pour souligner ce pouvoir irrésistible de l'attraction/aimantation qui soumet la volonté du jeune homme goethéen (Werther) vers l'objet de son désir(Charlotte)...

Ludovic Tézier
est félin, subtil, racé, convaincant; dommage que Sophie Koch surjoue et ne maîtrise par l'articulation de sa langue (le fameux air de la lettre): les couleurs sont parfois attrayantes mais quel dommage que ce chant qui s'écoute beaucoup, manque d'intelligibilité et de sobriété; la mezzo gagnerait en apprenant à perfectionner son métier auprès de son partenaire, Jonas Kaufmann, qui bien que non francophone, sait captiver immédiatement: or l'Allemand qui articule Schubert et Wagner comme peu, offre une leçon de chant superlative, linguistique impeccable, phrasés sombres et harmoniquement riches; intelligence du verbe, magistrale.
Bailli évident d'Alain Vernhes; Sophie, tendre et innocente d'Anne-Catehrine Gillet (et de plus quel abattage, quel sens de la langue!): les "seconds" rôles ne restent pas dans l'ombre.

Dans la fosse, un vrai connaisseur et un habile interprète de la musique française, qui a déjà enregistré à plusieurs reprises la partition, Michel Plasson, cultive les demi-teintes; l'ombre et la lumière, l'insidieux poison de la tragédie qui emporte peu à peu les deux coeurs éprouvés. Son geste est d'un chambrisme éloquent, amoureux des voix qu'il ne couvre jamais, curieux des climats et des atmosphères qu'il sait placer et développer en toute complicité avec les chanteurs. Que du bonheur!

Jules Massenet: Werther. Jonas Kaufmann (Werther), Ludovic Tézier (Albert), Sophie Koch (Charlotte), Alain Vernhes (le Bailli), Anne-Catherine Gillet (Sophie)... Orchestre et choeur de l'Opéra national de Paris. Michel Plasson, direction. Benoît Jacquot, mise en scène.
 






 
 
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