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Concertonet, 03/23/2013 |
Gilles d’Heyres |
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Richard Wagner : Die Walküre
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Les
Ring s’enchaînent en cette année anniversaire pour Richard Wagner
(1813-1883) – et c’est tant mieux! Cette Walkyrie venue de Russie
(partiellement captée lors de représentations publiques) sonne le lancement
d’un cycle saint-pétersbourgeois emmené par la baguette attentive sinon
experte de Valery Gergiev et témoigne d’une forme d’excellence dans
l’internationalisation des voix wagnériennes. Pour une fois, la publicité
accompagnant cette parution – annonçant «une distribution des plus
sensationnelles, qui fera de ce Ringl’un des plus finement réalisés des
temps modernes» – n’est, en effet, pas mensongère, tant l’équipe réunie au
Théâtre Mariinsky joue sur la subtilité plutôt que sur la puissance.
Une distribution éclaboussée par le talent de Jonas Kaufmann, qui réalise
des prodiges en Siegmund – divin dès «Erfrischt ist der Mut, das Aug’
erfreut des Sehens selige Lust», phrasé avec la douceur de la rosée du
matin. Détimbrant «Schmecktest du mir ihn zu?» avec la séduction d’une
Kundry, alternant le velours et le cuivre, cette voix aux possibilités
infinies n’oublie pas l’héroïsme aux moments cruciaux – peut-être pas
suffisamment pour «Ein Schwert verhiess mir der Vater», mais Kaufmann sait
assombrir son timbre à la fin du premier acte, ainsi que dans tout le
deuxième acte (où il offre une prestation d’anthologie). On a rarement
entendu autant de désespérance romantique dans «Verweile, süssestes Weib!» –
c’est Werther qui chante! – et, par leur intensité inouïe, ses répliques à
Brünnhilde sont à marquer d’une pierre blanche: «Den Vater findet der
Wälsung dort» ou «Unfängt Siegmund Sieglinde dort?» ont-il jamais été
déclamés de la sorte? Jonas Kaufmann fait de Siegmund un héros tristanesque,
non pas solaire à l’image d’un Lorenz, mais envoûtant comme une nuit noire
et profonde – respirant une force aussi fragile que virile.
Anja
Kampe est nécessairement plus prosaïque en Sieglinde, avec sa voix vibrante
mais un souffle un peu court, des aigus étranglés, des graves forcés... Elle
parvient pourtant à déployer une émotion qui rappelle le style (mais pas le
talent) d’une Gundula Janowitz. Subtil phraseur, Mikhail Petrenko possède
cette voix rocailleuse et profonde qui fait les grands Hunding, d’une
puissance contenue – dont le contrôle suffit à susciter la crainte. On sent
pourtant poindre une humanité et des fêlures qui font presque croire que
Petrenko pourrait, un jour, évoluer vers Wotan. C’est René Pape qui chante
ce dernier. Si son entrée fait craindre une voix tendue qui pourrait se
perdre en forçant son émission naturelle, on est vite rassuré et même
admiratif du choix opéré par l’interprète de privilégier l’intimisme lyrique
sur la recherche de puissance vocale (qu’il ne possède pas entièrement): un
Wotan chambriste. Le récit du deuxième acte démontre ainsi d’exceptionnelles
qualités de clarté, que confirme un troisième acte qui présente le roi des
dieux comme un diseur attentionné plutôt que comme un héros conquérant.
Nina Stemme incarne une Brünnhilde solide et sûre d’elle-même... qui ose
presque vocaliser ses «Hojotoho!» (d’une précision et d’une assurance
épatantes). On reste pourtant davantage impressionné par cette voix –
sculpturale et inébranlable comme un monolithe celte – qu’ému,
l’interprétation ne se départant que rarement d’une certaine froideur. C’est
chipoter peut-être tant sa performance est sans égale sur la scène
wagnérienne actuelle. Contrairement au souvenir laissé sur scène, Ekaterina
Gubanova n’offre, en revanche, qu’un timbre agressif et une prosodie
ordinaire à Fricka. Saluons, par contre, des Walkyries hautes en couleur,
particulièrement impliquées et bien en voix.
Après un passionnant
Parsifal, Valery Gergiev surprend dans un Wagner qu’il dépeint tout en
subtilité. Le chef russe ne bâcle pas, tant s’en faut, son travail sur
l’orchestre – soulignant tel détail jamais mis en avant, prenant soin de
toujours mettre en valeur ses solistes... au prix parfois de quelques
atermoiements. Cette direction – pour captivante qu’elle soit – n’évite
ainsi pas certaines longueurs hédonistes (au début de la troisième scène du
premier acte comme tout au long de celle du deuxième acte) ou pesantes (lors
du troisième acte notamment, où Gergiev semble ralentir comme pour permettre
à Stemme, Pape et surtout Kampe de mieux projeter leurs interventions...
jusqu’à s’enfoncer dans un statisme assez difficilement défendable). Est-ce
dû à l’espacement des séances d’enregistrement ou à un choix interprétatif,
mais le tapis orchestral s’anime parfois avec davantage de densité. La
couleur scintillante de l’Orchestre du Mariinsky peut également paraître
manquer de substance. Ne boudons pas notre plaisir néanmoins: enfin un chef
qui ose innover dans Wagner!
Au total, si le Siegmund de Jonas
Kaufmann est un must absolu, on rangera La Walkyrie de Valery Gergiev
– avec
son admirable casting masculin – au rayon des versions de complément –
prenante mais imparfaite. L’Or du Rhin est annoncé pour septembre 2013.
Siegfried et Le Crépuscule des dieux devraient paraître en 2014.
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