Diapason, octobre 2010
Michel Parouty
Vérisme distingué

LE DISQUE DU MOIS - Diapason d'or
Jonas Kaufmann en héros vériste ?
Et pourquoi pas ! Outre son magnétisme ardent, le ténor wagnérien a pour lui un art calibré de l'incarnation. Les Italiens n'ont qu'à bien se tenir...
PLAGE 1 DE NOTRE CD
Rien d'étonnant à ce que la «jeune école » italienne ait séduit ce wagnérien hors pair. Elle attire les comédiens, qui montrent ce qu'ils ont dans le ventre ; quant aux musiciens, ils peuvent prouver que le style et la musicalité ne sont en rien incompatibles avec la vérité dramatique. On connaît bien désormais les atouts de Kaufmann : un grain de voix immédiatement reconnaissable, un timbre prenant, sombre, de plus en plus barytonnant, la maîtrise du phrasé, de la dynamique, des nuances, un souci du texte qui ne tombe jamais dans l'outrance. On sait aussi quelles sont ses limites : un haut médium et un aigu qui s'ouvrent peu, des couleurs bien peu italiennes. Le soleil ici, est plus brûlant que lumineux. Est-ce important ? Oui, car c'est ce qui rend Kaufmann unique. Ajoutez à cela une présence qui, même au disque, demeure phénoménale, essentielle dans un répertoire comme celui-ci, et vous aurez les raisons d'un succès que l'on souhaite durable.

Ce nouveau récital comporte quelques merveilles : l'air du Giulietta e Romeo de Zandonai, celui des Lituani de Ponchielli, superbement délié, la mélodie de Refice, Ombra di nube, aux irisations irrésistibles. On croit presque redécouvrir les pages les plus connues (Pagliacci, Chénier, Adriana, Mefistofele), que Kaufmann sait mettre en situation - le Turridu du brindisi n'est pas celui qui fait ses adieux à sa mère ; les éclats de rire de Canio, débarrassés de tout histrionisme, donnent froid dans le dos. Des réserves? Le lamento de L'arlesiana manque de jeunesse, le « Cielo e mar » de Gioconda semble bourré d'intentions. Trop d'intelligence dans un répertoire que l'absence de naturel peut très vite réduire à néant ? Kaufmann, certes, ne laisse rien au hasard : tout est pensé, calculé, étudié, à l'opposé de la spontanéité d'un Pavarotti ou d'un Bergonzi, sans donner pour autant une impression d'artifice. C'est la volonté de l'interprète ; c'est aussi la tendance d'une génération et d'une époque. Nous n'allons quand même pas déplorer que le marié soit trop beau ! Antonio Pappano est le digne partenaire de ce périple qui donne au « verismo » ses lettres de noblesse.



 
 






 
 
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