Diapason, octobre 2013
Emmanuel Dupuy
 
The Verdi Album
Commençons par les sujets qui fâchent : un orchestre moyen, un choeur médiocre, des partenaires modestes. Passe encore pour la Leonora (Le Trouvère) d'une certaine Erika Grimaldi qui n'a que deux ou trois répliques à chanter ; mais Franco Vassalo, baryton sans aura et à l'intonation pas toujours très précise, partageant avec notre ténor tout le duo de l'acte II de Don Carlo, ça fait mal. D'autant que Kauf mann offre une incarnation bouleversante de l'Infant, rôle qui lui colle à la peau et avec lequel il vient encore de triompher à Salzbourg.

Ouvrir le récital par «La donna è mobile » n'est pas non plus une très bonne idée, la jubilation bel cantiste d'un air aussi rebattu n'étant pas vraiment celle d'un instrument qui se prête davantage aux éclats guerriers ou à l'introspection taciturne. Pour cette raison même, la Romanza de l'acte III du Bal masqué lui convient mieux que l'insouciante Canzone du I.

Quoi qu'il en soit, on rend à chaque instant les armes devant l'art du chanteur, ses phrasés d'une plasticité infinie, ses mille nuances, ce lyrisme solaire et pourtant si peu latin qui lui permet de passer avec une telle aisance de Siegmund à Verdi ! Ceux qui ne jurent que par Bergonzi et Pavarotti résisteront peut-être au magnétisme de Kaufmann. N'étant pas Italien, celui-ci en remontrait pourtant à bien des
artistes du cru sur le plan de la langue : on en veut pour preuve le poids qu'il donne à chaque mot dans tous les récitatifs. L'oraison de « Celeste Aida », venue du fond de l'âme et achevée sur un pianissimo surnaturel, est à pleurer; tout comme la Romanza de l'acte III de La Forza del destino, sur un ton de confidence et sans aucun excès expressif.

« Di quella pira » (Trouvère) et « Giuri ognun questo canuto » (Masnadieri) se situent dans un autre registre où Kaufmann excelle tout autant : celui d'un héroïsme mâle et ardent qui, pour autant, préserve toujours l'élégance de la ligne. A ce titre, les extraits d'Otello - il n'a pas encore abordé le rôle-titre en scène, mais cela ne devrait plus tarder - suscitaient tous les espoirs... Sans surprise, les
tourments du Maure tombent sans un pli sur cette voix cuivrée et naturellement encline aux orages intérieurs. Depuis Domingo, on attendait comme le messie un grand Otello : le voici !


 
 






 
 
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