Resmusica, 11/03/2008
Andreas Laska
Jonas Kaufmann : Moyens somptueux
Il y a quelques années encore, nous le croyons sur les pas de Fritz Wunderlich : Jonas Kaufmann, ténor mozartien des plus prometteurs, élargissant lentement son répertoire en y ajoutant des rôles italiens et français. Depuis, Kaufmann n’a pas cessé de nous surprendre. Il a chanté Florestan (Fidelio) et Max (Der Freischütz), il a fait ses débuts wagnériens dans Parsifal, puis – en concert – dans les Maîtres chanteurs, il a abordé Don Carlo et Don José. Encore un de ces chanteurs donc qui veut tout et trop à la fois, au risque de se casser la voix ?

Le programme de son premier récital lyrique semble confirmer nos doutes. Sans logique apparente Kaufmann saute de la Bohème à Carmen, de Don Carlo au Freischütz, de Faust au Maîtres chanteurs en passant par Tosca, Martha, Traviata, Manon, Rigoletto, La Damnation de Faust et Werther. Mais le ténor nous surprend encore une fois. Jamais, il ne force ses moyens, jamais il ne se laisse entraîner à une pure démonstration de son matériau vocal. Et pourtant, on le comprendrait presque, tellement ce matériau est somptueux : une voix infiniment belle, au timbre immédiatement reconnaissable, au médium ample et à l’aigu particulièrement facile et rayonnant (même si l’on aurait pu réenregistrer le contre-ut de la Traviata…) Mais, répétons-le, à aucun moment Kaufmann n’exhibe sa voix pour elle- même. Au contraire, il la met au service de l’interprétation. Constamment à la recherche de nuances et de couleurs (il se paie même le luxe d’attaquer en voix mixte le redoutable contre-ut de la cavatine de Faust), il évite néanmoins de sombrer dans le maniérisme. Il devient ainsi – pour ne citer que trois exemples - le plus poétique des Stolzing, le plus mélancolique des Cavaradossi ainsi que le plus désespéré des Des Grieux.

Et pourtant, il y a un bémol considérable, un défaut technique qui risque de ternir à la longue une impression somme toute très favorable. Dès qu’il s’agit de chanter piano dans le registre du passage, la voix passe en arrière, Kaufmann produisant de sons serrés, voire carrément engorgés. Dommage pour un chanteur tellement talentueux qui pourrait se hisser facilement au rang des Alvarez et autres Villanzón.

Saluons pour finir la prestation sans faille de l’Orchestre Philharmonique de Prague sous la baguette de Marco Armiliato. Si les qualités de l’orchestre tchèque sont connues depuis bien longtemps, la direction intense d’Armiliato crée la surprise. Plus routinier qu’inspiré lorsqu’il dirige des soirées dites de répertoire à Munich, Vienne et New York, il se montre ici extrêmement attentif aux couleurs orchestrales et très à l’aise dans tous les répertoires.
 






 
 
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