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Classic Toulouse |
Robert Pénavayre |
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COUP DE CŒUR - Un incroyable challenge !
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Le
présent coffret est le témoignage de l’une des plus folles entreprises qu’un
théâtre d’opéra ait pu entreprendre. Et réussir ! A tous les points de vue,
tant artistique, que scénique et technique, le triomphe est complet. Avec
des moments qui sont déjà entrés dans la légende de l’art lyrique. Un DVD
spécifique est inclus dans ce coffret et relate l’aventure de la « Machine
». Une folie !
D’ailleurs, si j’ai un conseil à vous donner, c’est
celui de commencer le coffret par ce DVD de quelques deux heures qui relate
le making of de cette tétralogie wagnérienne. Point important, il est
entièrement sous-titré, dont en français. Vous découvrirez ainsi l’origine
du projet quasiment pharaonique du metteur en scène Robert Lepage.
Pharaonique, certes, mais pas seulement car ce dispositif scénique est aussi
et peut-être surtout, une prouesse technique ahurissante. Il faut le voir
pour le croire. Cette « machine », tel que le dispositif pris rapidement le
nom, pèse 40 tonnes, un poids qui imposa au Met de New York de consolider le
plancher de scène. Articulé autour d’un bras, il permet, au travers de 24
modules indépendants dont il est l’axe central, de créer à vue des univers
totalement différents. Ajoutez à cela des projections animées à couper le
souffle et il ne vous reste plus qu’à vous laisser glisser avec délices dans
une épopée grandiose. Car il s’agit bien ici d’une épopée en harmonie
parfaite avec le souffle wagnérien qui l’anime. Robert Lepage n’est pas allé
à la recherche d’une relecture, comme Frank Castorf vient de le faire, avec
plus ou moins de bonheur, à Bayreuth cet été. Non, tout au contraire, il a
suivi à la lettre la narration du Maître de la Colline sacrée et l’a
conjuguée aux moyens dont le 21ème siècle nous assure la disponibilité.
Profondément panthéiste, cette vision, très proche des origines, suit la
musique avec une fidélité bienvenue, quitte à parfois frôler la naïveté, je
pense ici aux Géants qui semblent sortir de Disneyland. Mais peu importe.
Filmés au plus près, les chanteurs font preuve d’une pertinence
dramatique dont la scène lyrique n’est pas coutumière. A ce titre et entre
autres, je souhaite souligner la performance de Iain Paterson (Gunther). Ce
DVD vous montrera, exemples à l’appui, que le cheminement du projet jusqu’à
sa conclusion, n’était pas destiné aux âmes fragiles et que les incidents,
voire accidents, furent nombreux, en particulier lors des premières.
Je vous laisse le soin de les découvrir. Car tout ici est filmé et montré
sans fard aucun, avec une franchise de ton qui fait plaisir. Et ce n’est
qu’après que vous vous soyez immergés dans ce dispositif dantesque que vous
pourrez pleinement apprécier la performance lors des spectacles.
Ce
que l’on peut faire de mieux, aujourd’hui, en matière wagnérienne
Enregistré de 2010 à 2012, ce Ring débute bien sûr avec Das Rheingold, sous
la direction de James Levine. Malheureusement, il ne se terminera pas avec
le directeur musical du Met. Pour des raisons de santé, celui-ci dut laisser
la baguette après Die Walküre au chef titulaire du célèbre théâtre new
yorkais, Fabio Luisi. Perd-on au change ? nul ne le sait ni ne le saura. Le
résultat est une phalange orchestrale absolument souveraine, dominatrice,
impériale sur l’ensemble du cycle. Détail, si l’on peut dire, important
voire fondamental dans ce type de production, tous les interprètes chantent
l’intégralité de leur personnage au travers du cycle. Avant d’entrer dans la
pure critique vocale et manière d’acter une réflexion et un état de fait :
oui, les voix qui firent le renouveau de Bayreuth après la Seconde Guerre
mondiale, inutile de les citer, ne sont plus et n’ont pas été remplacées.
Habitués que nous sommes aux graves et aux médiums telluriques des barytons
wagnériens d’antan, aux gigantesques organes vocaux des sopranos qui les
accompagnaient, il arrive, de temps à autres, de tendre l’oreille pour
percevoir les registres graves de certains interprètes. Mais, à côté de
cela, quelle musicalité, quelle intelligence, quelle acuité dramatique. Je
ne suis pas persuadé que nous perdions beaucoup au change.
Présent
dans trois des quatre opus de ce cycle, Bryn Terfel fait flamboyer un timbre
d’un velours somptueux, un registre aigu impérieux et un large phrasé doublé
d’une très belle musicalité qui tracent un portrait vocal de Wotan, ce
Jupiter nordique, quasi inouï, du moins au disque. Face à lui, Stephanie
Blythe impose, à tous les sens du terme, une Fricka d’une redoutable
puissance. Eric Owens, dont le timbre noir et incisif convient si bien au
Nibelung déchu (Alberich) fait jeu égal avec le Mime incroyable d’abattage
vocal et scénique de Gerhard Siegel. Si Franz-Josef Selig (Fasolt) n’a que
peu de temps pour faire valoir une basse d’excellente qualité, il en est
tout autrement de Hans-Peter König, vraisemblablement le plus beau « creux »
wagnérien d’aujourd’hui. En effet, cette basse a en charge Fafner, Hunding
et Hagen, largement donc de quoi exposer une voix véritablement
exceptionnelle en termes de volume et d’ambitus. Même s’ils ne font qu’un
passage rapide, mais quel passage, dans ce cycle, comment ne pas souligner
l’effervescence sonore, vocale et musicale qui préside à la rencontre des
jumeaux aimés de Wotan ? Il faut dire qu’ils sont superlatifs. Autant
Eva-Maria Westbroek, dont le soprano aussi puissant qu’aérien sublime
Sieglinde, que Jonas Kaufmann, Siegmund héroïque dont la tenue vocale
éblouit par la vaillance et par une suprême musicalité. Un duo qui frôle la
perfection et qui n’a pas d’équivalent au disque. Délaissant Sieglinde,
Deborah Voigt se lance dans la prise de rôle intégrale de Brünnhilde. Un
rôle écrasant, un sommet d’une témérité hallucinante. Pari tenu et une
interprétation parfaitement maîtrisée qui, n’en doutons pas une seconde, va
encore s’affirmer au cours du temps et des reprises. Autre prise de rôle,
tout aussi impressionnante par son challenge, celui de Siegfried par Jay
Hunter Morris. Il n’était pas le premier choix de Peter Gelb, directeur du
Met, celui-ci, préférant Ben Heppner. Ce dernier, déclarant forfait, fut
remplacé par Gary Lehman qui, à son tour, se retira du projet. Et c’est
ainsi que Jay Hunter Morris devint, en quelques représentations diffusées
dans le monde entier, le plus célèbre Siegfried de notre temps. Il mérite ce
titre tant sa voix, claire et puissante, son personnage, tout de candeur et
de naïveté mêlées de détermination et de courage, ne peut que réunir tous
les suffrages. Il faudrait citer l’ensemble des seconds rôles. Pour faire
simple, je dirais que par leurs talents, ils contribuent au niveau
exceptionnel, voire historique, de cette entreprise.
Un vrai monument
qui est aussi le plus beau et respectueux hommage que l’on pouvait faire à
Richard Wagner pour le bicentenaire de sa naissance.
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