ResMusica, 29/06/2005
Andreas Laska
 
Oberon : léger et élégant
Philips
Carl Maria von Weber (1786-1826) : Oberon. Jonas Kaufmann, Huon ; Hillevi Martinpelto, Reiza ; Steve Davislim, Oberon ; Marina Comparato, Fatima ; William Dazeley, Sherasmin ; Katharine Fuge, First Mermaid ; Charlotte Mobbs, Second Mermaid ; Frances Bourne, Puck ; Roger Allam, Narrator. Monteverdi Choir, Orchestre Révolutionnaire et Romantique, direction : John Eliot Gardiner. Enregistré en studio en mars 2002. Notice en anglais, en francais et en allemand. 2 CD. Philips 475 6563. DDD. 2h02’.
Alors que, au moins dans les pays germaniques, Der Freischütz est l’un des opéras les plus populaires, les autres œuvres lyriques de Carl Maria von Weber n’ont pu s’établir durablement dans le répertoire des grands théâtres d’opéra. Cela vaut pour les opéras comiques tels que Abu Hassan, mais également pour les grandes fresques fantastiques et romantiques que sont Euryanthe et Oberon.

Oberon, l’ultime opéra de Weber, fut une commande du Théâtre Royal de Covent Garden à Londres. L’histoire est basée sur un poème épique du poète allemand Christoph Martin Wieland dont l’Anglais James Robinson Planché avait tiré un livret – en anglais ! Celui-ci est taillé sur mesure pour le goût du public anglais ce qui ne facilita nullement son succès en dehors des îles britanniques. Gorgé de péripéties plus ou moins invraisemblables, cet opéra est un mélange de comique et de dramatique, de chevaleresque, d’oriental et de féerique. En outre, les dialogues y tiennent une place presque aussi importante que la musique.

Pour le nouvel enregistrement publié par Philips/Universal (le premier en anglais, ce qui nous épargne au moins les platitudes de la traduction allemande), ces dialogues ont été remplacés par un narrateur, Roger Allam, très compétent certes, mais malheureusement enregistré à un niveau sonore bien inférieur à celui de la musique.

John Eliot Gardiner, au pupitre d’un fabuleux Orchestre Révolutionnaire et Romantique, fait avec Oberon ce qu’il avait fait avec les Troyens de Berlioz au Châtelet à Paris. Sans nier l’esprit romantique de cette musique, il enlève à la partition toute la pesanteur et toute la grandiloquence que le wagnérisme y avait apporté et confère ainsi à cet opéra une légèreté et une élégance inhabituelles. Ce Weber est un successeur de Beethoven, un contemporain de Schubert, de Mendelssohn et aussi de Donizetti et pas un précurseur de Wagner.

La distribution peu héroïque de ce CD est bien adaptée à cette lecture. Huon est chanté par le ténor allemand Jonas Kaufmann, à l’époque de l’enregistrement tout au début de sa carrière internationale. Si, depuis 2002, le timbre a gagné en expansion, il triomphe avec une facilité presque déconcertante des innombrables difficultés de la partition. Ses graves sont bien timbrés, ses aigus sont faciles et lumineux, ses vocalises sont précises et son art de la voix mixte lui permet même de chanter un si aigu en pianissimo sans s’enfuir dans le falsetto. N’était un médium par moments légèrement engorgé, on pourrait parler d’une interprétation parfaite, égalée par le seul Nicolai Gedda.

Le rôle de Reiza a été confié à la soprano finlandaise Hillevi Martinpelto dont la fraîcheur du timbre apporte une touche juvénile au personnage que n’ont pas les voix wagnériennes qu’on a l’habitude d’entendre dans cet emploi. Avec aisance, elle attaque les vocalises du finale I et elle nous offre de superbes piani dans son air de l’acte III. Dommage que son aigu, par ailleurs facile, manque un peu de l’éclat qui rendrait aussi convaincant son « Ocean, thou mighty monster ».

Les rôles secondaires – parmi lesquels se trouve le rôle titre – sont chantés de façon correcte sans plus : Steve Davislim campe un Oberon techniquement sûr, mais privé de l’autorité nécessaire, Marina Comparato chante une Fatima agréable, mais un peu fade, ce qui vaut également pour le Sherasmin de William Dazeley et le Puck de Frances Bourne. Malgré ces quelques limites, le nouvel Oberon de Philips/Universal fait partie des enregistrements les plus importants de ces dernières années : parce qu’il est chanté en anglais, parce qu’il y a Gardiner au pupitre et parce qu’il nous offre Jonas Kaufmann.






 
 
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