ResMusica, 07/05/2010
Richard Holding
Le romantisme volcanique de Jonas Kaufmann
 
 
L’amateur de lieder ne cache pas son excitation. C’est une puissante éruption qui est survenue dans le jardin intime de Schubert, faisant du ruisseau de la Belle Meunière une rivière de lave. A 40 ans, le ténor dramatique Jonas Kaufmann est en pleine possession des moyens, et prouve de manière magistrale qu’il n’est pas seulement le nouveau champion de la scène lyrique, mais que le répertoire des lieder lui va aussi à merveille.

Il y a plusieurs raisons de sauter sur cette Belle Meunière de Schubert. D’abord, le cycle a été composé pour ténor, ce qui permet à Kaufmann et Deutsch de conserver les tonalités originelles des lieder, et de respecter l’authenticité de l’œuvre. Ensuite, il s’agit d’un concert capté à la Max-Jœsph Saal de Munich ; les imperfections du direct (minimes dans cet enregistrement) participent à la puissance de l’émotion naturelle et à la spontanéité artistique, qualités absentes d’un enregistrement studio aseptisé. Enfin, et c’est sans doute la meilleure raison, l’interprétation du chanteur bavarois flirte avec la perfection. Ténor dramatique, Kaufmann oscille avec magie entre des graves volcaniques et des aigus lumineux, une tessiture rare qui confère aux Lieder de Schubert un riche panel d’expressivité.

La Belle Meunière, (« Die Schöne Müllerin » en allemand) est le premier cycle de Lieder composé par Schubert, sur des poèmes de Wilhelm Müller, poète injustement sous-estimé auquel il reviendra quelques années plus tard pour son autre grand cycle, Le Voyage d’hiver (« Die Winterreise »). Les deux cycles ont d’ailleurs bien plus en commun que l’auteur de leurs textes ; moins tragique et désespéré que le Voyage d’hiver, la Belle Meunière développe cependant le même éventail de thèmes romantiques si chers à Schubert, et si caractéristiques de son propre rapport au monde : on y retrouve l’emblématique voyageur en quête de lui-même et des autres, parcourant les beautés de la nature dans laquelle il trouve à la fois son inspiration et sa consolation, épris d’un amour d’abord passionné et plein d’espoir pour une jeune meunière rencontrée sur son chemin, puis d’un amour déçu, impossible, qu’il ne pourra oublier que par la magie rédemptrice des rêves et du sommeil. Tout au long du cycle, le ruisseau sert de fil conducteur à l’histoire : force naturelle qui fait tourner la roue du moulin, guide de voyage et confident pour le meunier errant, il se fait à la fin consolateur et protecteur du malheureux jeune homme, l’invitant à se reposer dans son lit mœlleux, et lui chante une berceuse pour apaiser ses peines.
 
 






 
 
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