Il
y a un avant et un après Wagner dans la vie d’Engelbert Humperdinck
(1854-1921). Après des études relativement traditionnelles suivies aux
conservatoires de Cologne et de Munich et auprès de professeurs particuliers
grâce à quelques bourses et prix de composition, le natif de Siegburg
rencontre à Naples le chantre de la Nouvelle Allemagne. C’est le début d’une
étroite et harmonieuse relation de maître à élève, notamment
lorsqu’Humperdinck assiste Wagner à Bayreuth dans la préparation de la
première de Parsifal (26 juillet 1882). La mort de l’aîné, apprise l’année
suivante lors d’un voyage à Paris, brise l’élan du plus jeune non seulement
dans un premier temps – « il vient de me laisser inaccompli et, je peux même
le dire, orphelin » – mais pour plusieurs années :
« Que suis-je
devenu ? Désormais sans force ni inspiration, sans volonté ni capacité
d’agir, je vois les journées défiler les unes après les autres. À la maison,
je passe le plus clair de mon temps à contempler le papier peint. Si je me
mets un jour à composer, c’est pour tout laisser en plan le lendemain.
Depuis que Wagner n’est plus là, mon état n’a fait que se dégrader, d’abord
physiquement puis intellectuellement ».
La création d’Hänsel und
Gretel, singspiel passé d’un usage domestique à sa première représentation
publique le 23 décembre 1893 [lire notre critique du DVD], voit renaître le
compositeur. Un ami lui commande alors une musique de scène pour le conte
Königskinder que sa fille Elsa Bernstein venait d’écrire. Humperdinck se
prend au jeu, avec l’idée d’aller plus loin. Il allège le texte et, en 1897,
présente son travail comme un « mélodrame en vers » (avec ébauche de
Sprechgesang). Bien reçue, l’œuvre est souvent programmée, si bien que le
compositeur décide d’y revenir dix ans plus tard et la transforme en
opéra-conte. La création new-yorkaise du 28 décembre 1910, deux semaines
après La fanciulla del West (Puccini), est également un succès.
Il y
a plus d’un an, nous présentions un enregistrement de cette rareté avec
Juliane Banse et Klaus Florian Vogt, sous la direction d’Ingo Metzmacher
[lire notre critique du CD]. De nouveau présent sur cette production
zurichoise de l’automne 2007, le chef dirige un orchestre maison tonique,
exhalant les textures soyeuses d’une partition dense. Dans des décors et
lumières soignés, la mise en scène de Jens-Daniel Herzog dépayse d’entrée de
jeu, et les chanteurs peuvent aisément faire vivre leurs touchants
personnages : la souple Isabel Rey (Gardeuse d’oies), le délicat Jonas
Kaufmann (Fils de roi), l’ample Liliana Widmer (Sorcière) et le ferme
Reinhard Mayr (Bûcheron), principalement.
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