|
|
|
|
|
L'Avant-Scène Opéra |
Chantal Cazaux |
|
Jonas Kaufmann : An Evening with Puccini, Révérence
|
|
Après
sa diffusion au cinéma, voici donc en DVD et Blu-Ray la
captation vidéo du récital Puccini donné par Jonas Kaufmann à La
Scala de Milan le 14 juin 2015, l'année suivant son album Nessun
dorma gravé déjà chez Sony sous la direction d'Antonio Pappano.
Le programme vocal en est assez différent. Les omissions («
Addio fiorito asil » de Madame Butterfly, « Parigi è la città
dei desideri » de La rondine, « Hai ben ragione » d'Il tabarro,
« Firenze è come un albero fiorito » de Gianni Schicchi) sont
souvent justifiées : Ruggero ou Rinuccio notamment sont des
personnages vocaux bien éloignés du timbre sombre et mûr de
Kaufmann. Ont de même disparu les duos de Manon Lescaut, La
Bohème et Turandot partagés au disque avec Kristine Opolais -
tour à tour Manon, Mimì ou Liù, et qui avait paru distancée par
la vocalité de Kaufmann, tant en termes de moyens que de
richesse expressive. S'ajoutent en revanche « E lucevan le
stelle » de Tosca et, parmi les pléthoriques bis (vingt-cinq
minutes !), « Recondita armonia », « Ch'ella mi creda libero »
de La fanciulla del West et le « Nessun dorma » de Turandot,
celui-ci repris après une première interprétation en cours de
programme - sans compter « Ombra di nube » de Recife et « Non
tiscordar di me » de De Curtis. On gagne aussi (une heure
cinquante de concert au total !) plusieurs intermezzi ou
préludes symphoniques de Puccini (Le Villi, Edgar, Manon
Lescaut, Madame Butterfly, Suor Angelica), avec bonheur puisque
la direction de Jochen Reider et le Philharmonique de La Scala
déploient dans toute sa splendeur de coloris et d'écriture la
patte orchestrale de Puccini, celle-là même qui fait de ses
partitions des fleurons de volupté mais aussi de modernité,
d'instinct languide et de technique d'orfèvre. On regrette
d'autant plus, malgré le charme indéniable de la voix parlée de
Kaufmann, que le Preludio sinfonico des Villi soit traité en
musique d'accompagnement, sous la narration en off de la
carrière du compositeur et sur fond de vidéos - au demeurant
intéressantes, montrant notamment Puccini dans son quotidien à
Torre del Lago. Prenant possession de La Scala comme pour y
réincarner l'art vocal puccinien dans sa plus magistrale
hauteur, Kaufmann triomphe, musicien raffiné autant
qu'instrument aux capiteuses ombres chaudes, laissant un
témoignage de haut vol qui ne doublonne en rien l'album audio
(et studio). Une star, aussi, qui sait mettre à ses pieds le
public à force non seulement de maîtrise glorieuse de son chant,
mais aussi de sourires craquants décochés à faire fondre les
plus sévères - sorte de chimère croisant la radiance sympathique
d'un Pavarotti (un bronze statuaire remplaçant néanmoins, côté
timbre, l'or liquide et latin) et l'intériorité «
intello-mais-glamour » d'un... Clooney. Dans le « Nessun dorma »
final, le triple salto « tombé du nœud pap' / langue qui fourche
/ sourire candide du coupable pris la main dans le sac » restera
d'anthologie. Kaufmann - what else ? |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|