Don
Carlo vole très haut en ce soir de Festival de Salzbourg. La mise en
scène de Peter Stein assume habilement l'Histoire et son faste (costumes
raffinés d'Annamaria Heinrich) en stylisant le contexte de façon
poétique (décors de Ferdinand Wögerbauer, tout en jeux d'ombres, de
légèreté ou de vidéo). Et si les grands tableaux peuvent sembler un rien
creux ou froids dans cette épure scénographique, ils sont à ce point
galvanisés par les Chœurs du Wiener Staatsoper que le son s'y fait
matière et comble l'espace (quel plaisir que de les entendre dans le
trop rare Chœur des Bûcherons initial !). Quant à la direction
d'acteurs, précise et nerveuse, elle se pose sur des chanteurs d'un
calibre vocal et théâtral de premier rang. Don Carlo somptueux de Jonas
Kaufmann, au mental assombri d'orages que sa voix délivre en
clair-obscur électrique ; Elisabetta charnelle et tourmentée, trop femme
peut-être pour contraster vraiment avec son royal époux, d'Anja
Harteros, au grand lyrique épanoui ; Posa toujours digne et paternel de
Thomas Hampson - moins d'éclat dans l'aigu qu'il y a bientôt 20 ans à
Paris, mais une profondeur du personnage nouvelle ; Inquisiteur
monstrueusement caverneux d'Eric Halfvarson, égal à lui-même. Tout au
plus regrettera-t-on quelque instabilité dans le Filippo II de Matti
Salminen, charbonneux ici et ne parvenant pas à offrir dans « Ella
giammai m'amò » une détresse souveraine. Et si Ekaterina Semenchuk est
une Eboli au timbre opulent et au style juste, son italien reste
fabriqué face au reste de l'équipe et manque de rondeur. A la tête de
Wiener Philharmoniker en grande forme, Antonio Pappano délivre un Don
Carlo très sage, bien tenu mais manquant de cette ampleur architecturale
qui fait aboutir les grandes soirées. L'immense latéralité du plateau du
Grosses Festspielhaus, si difficilement filmable, empêche aussi d'entrer
complètement dans la captation - qui se hausse néanmoins parmi les
meilleurs Don Carlo de la vidéographie.
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